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çons ont été éveillés ; son trouble, sa rougeur, m’ont frappé ; il ne quittait pas son lit du regard ; une idée subite me vient, je cours au lit, je soulève le matelas, je trouve cette corde, puis je presse l’enfant de questions, et il m’avoue tout…

Le chef des Franks s’écria en affectant plus de courroux qu’il n’en ressentait : — Trahison ! voilà ce que c’est que d’avoir confié cet enfant à la garde de ces moines, traîtres ou incapables de défendre leurs prisonniers.

— Ah ! seigneur !… nous des traîtres !…

— Ces paroles t’offensent ? Or donc, réponds… Combien cette abbaye a-t-elle envoyé d’hommes à l’armée ?

— Seigneur… nos colons et nos esclaves suffisent à peine à cultiver nos terres, nous n’avons pu envoyer personne à l’armée.

— Combien avez-vous payé au fisc pour les frais de la guerre ?…

— Seigneur… nous avons employé tous nos revenus en bonnes œuvres…

— Oui, vous vous faisiez de grasses charités à vous-mêmes. Les voilà bien ces gens d’église ! toujours recevoir ou prendre, jamais donner ou rendre.

— Seigneur…

— De qui cette abbaye tient-elle ses terres ?

— Des libéralités du pieux roi Dagobert ; notre charte de donation est de l’an 640 de notre Seigneur Jésus-Christ.

— Et crois-tu, moine, que les rois franks vous aient fait ces donations, à vous autres tonsurés, à cette seule fin de vous voir engraisser dans la fainéantise et l’abondance, sans jamais concourir aux frais de guerre en hommes et en argent ?…

— Seigneur…

— Quoi ! je vous confie un prisonnier important, et vous ne pouvez le garder sûrement…

— Seigneur, nous sommes innocents et incapables de…

— Oui, incapables… tu as dit le mot ; aussi je veux établir ici des