Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des tribus germaines au delà du Rhin, afin de renforcer mes armées ; les descendants de ces seigneurs bénéficiers, créés par Clovis et par ses fils, se sont amollis ; ils sont devenus aussi fainéants que leurs rois ; ils tâchent d’échapper à leur obligation d’amener leurs colons à la guerre, sous prétexte que faute de colons pour cultiver la terre elle ne produit point ; enfin, à part quelques évêques batailleurs, vieux endiablés, qui ont quitté le casque pour la mitre, et qui, reprenant la cuirasse, m’amenaient leurs hommes, l’Église n’a pas voulu, ne veut pas contribuer aux frais de la guerre… Or, foi de Marteau, cela ne peut durer… Mes braves guerriers, nouveaux venus de Germanie, les chefs de bande qui, comme toi, m’ont bravement servi, ont droit à leur tour au partage des terres de la Gaule ; voyons ! n’y ont-ils pas plus droit que ces évêques rapaces, que ces abbés débauchés, qui ont pardieu des sérails comme les kalifes des Arabes ! Non, non, je veux mettre ordre à cela, récompenser les courageux, châtier les fainéants et les lâches… Je distribuerai à mes hommes nouvellement arrivés de Germanie, une bonne partie des biens de l’Église… J’établirai ainsi mes chefs et leurs hommes ; au lieu de laisser tant de terres et d’esclaves au pouvoir de paresseux tonsurés, je me créerai une forte réserve aguerrie, toujours prête à marcher au premier signal. Donc, pour commencer, je te fais comte en ce pays, et te fais don, Berthoald, de cette abbaye (C), terres, bâtiments, esclaves, à la charge par toi de payer une somme à mon fisc, et de te rendre, avec tes hommes, en armes à mon premier appel.

— Quoi ! moi comte en ce pays ! moi, possesseur de tant de biens ! — s’écria le jeune chef avec joie, pouvant à peine croire à une donation si magnifique ; — mais les biens de cette abbaye sont immenses !

— Tant mieux, mon garçon ; toi et tes hommes vous vous établirez ici, il doit y avoir de jolies esclaves, vous ferez bonne souche de soldats ; d’ailleurs, cette abbaye, et voilà surtout pourquoi je te la