Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

environ une demi-heure, puis attacher votre corde et descendre ; mon père, je vous l’ai dit, vous attendra au bas de cette fenêtre… Est-ce pour cette nuit ?

— Oui, c’est convenu ; mais cette corde, où est-elle ?

— Tenez, — dit Septimine en tirant du milieu du chanvre contenu dans son tablier, une corde enroulée, mince, mais très-forte, garnie çà et là de gros nœuds, — il y a, vous le voyez, à ce bout, un crochet de fer ; vous l’attacherez à la barre de cette croisée, puis vous descendez, nœud à nœud, jusqu’à terre ; vous n’aurez ainsi rien à craindre.

— Oh ! je n’ai plus peur. Mais, cette corde, où la cacher ?

— Sous les matelas de votre lit.

— Tu as raison… donne vite… — Et le jeune prince, aidé de Septimine, cacha la corde vers le milieu du lit, entre deux matelas. À peine le lit était-il recouvert, que l’on entendit au loin et au dehors un bruit lointain de clairons. Septimine et Chilpérik se regardèrent un moment interdits ; puis la jeune fille dit vivement en retournant s’asseoir sur son escabeau et reprenant sa quenouille. — Il se passe quelque chose d’inaccoutumé au dehors de l’abbaye ; on va peut-être venir ici… prenez vos osselets et jouez vite, vite…

Chilpérik obéit machinalement à la jeune fille, s’assit à terre, et se mit à jouer aux osselets, tandis que Septimine continuait de filer tranquillement sa quenouille auprès de la fenêtre. Peu d’instants après, la porte de la chambre s’ouvrit ; le père Clément, abbé du monastère, entra, et dit à la jeune fille : — Laisse-nous.

Septimine se hâta de se retirer ; mais croyant profiter d’un moment où le moine ne la verrait pas, elle mit son doigt sur ses lèvres, pour recommander une dernière fois la discrétion à Chilpérik. L’abbé s’étant alors retourné brusquement, elle n’eut que le temps de porter la main à sa chevelure pour dissimuler la signification de son premier geste ; cependant la Coliberte craignit d’avoir éveillé les soupçons du père Clément, qui la suivit d’un regard pénétrant, ainsi qu’elle s’en aperçut, lorsque arrivée au seuil de la porte,