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en âge de se battre… Ainsi, tu acceptes mes offres, Rosen-Aër ?

— Je les accepte… J’aurais horreur de tomber aux mains des Franks ! Triste temps que le nôtre ! l’on n’a que le choix de la servitude. Heureux du moins ceux qui, comme moi, rencontrent des cœurs compatissants.

— Fais donc tes préparatifs de voyage… Moi-même je vais partir dans une heure à la tête d’une partie de nos troupes ; je reviendrai te chercher, et nous quitterons ensemble cette maison, toi, pour aller chez le colon, moi, pour aller à la rencontre de l’armée des Franks.

Lorsque Abd-el-Kader revint chercher Rosen-Aër, il avait revêtu son costume de bataille : il portait une cuirasse d’acier brillant, un turban rouge enroulé autour de son casque doré ; à son côté pendait un cimeterre d’un merveilleux travail : le fourreau, d’or massif ainsi que la poignée, était orné d’arabesques, de corail et de diamants. Le guerrier arabe dit à Rosen-Aër avec une émotion contenue : — Permets que je t’embrasse comme ma fille.

Rosen-Aër tendit son front en répondant à Abd-el-Kader : — Je fais des vœux pour que vos enfants conservent longtemps leur père.

L’Arabe et la Gauloise quittèrent ensemble le harem. À l’extérieur de la maison, ils trouvèrent les cinq fils du vieillard : Abd-Allah, Hasem, Abul-Casem, Mohamed et Ibrahim, son dernier né, tous armés et à cheval, portant par-dessus leurs armes de longs et légers manteaux de laine blanche à houppes noires. Le plus jeune de la famille, adolescent de quinze ans au plus, descendit de cheval en voyant Rosen-Aër, alla lui prendre la main, la baisa respectueusement et lui dit : — Tu as été pour moi une mère, permets que je te salue comme un fils.

La matrone gauloise répondit les larmes aux yeux en songeant à son fils Amaël, qui avait aussi quinze ans lorsqu’il disparut de la vallée de Charolles : — Que Dieu te protège, toi, qui, aussi jeune encore, vas courir les danger de la guerre !

Croyants, lorsque vous marchez à l’ennemi soyez inébranlables,