Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui… d’ailleurs je marcherai seul à distance de vous dans le souterrain… Si je vois de loin de la clarté, je viendrai vous avertir.

— Mais cet esclave, qui est là marmottant à genoux ses patenôtres au grand Saint-Loup ?

— La foudre tomberait à ses pieds qu’il ne bougerait point… il s’en ira comme il est venu… sur ses deux genoux.

— Allons, vieux Simon, plaignons ce pauvre homme, et surtout pendons l’évêque… Marche, Simon.

— Suis-moi, Ronan.

Et les Vagres, conduits par l’esclave ecclésiastique, disparurent dans le souterrain qui, de ces anciens thermes, aboutissait à la villa épiscopale, tous chantant à demi-voix :

« Le joyeux Vagre n’a pas de femme : le poignard d’une main, la torche de l’autre, il va de burg en maison épiscopale enlever les femmes des comtes et des évêques, et emmène ces charmantes au fond des bois… »




Que faisaient donc le prélat et le comte, pendant que les Vagres s’introduisaient dans le souterrain de la villa épiscopale ?… Ce qu’ils faisaient ?… ils buvaient coup sur coup ; le leude du comte était retourné au burg chercher l’esclave… En l’attendant, l’évêque Cautin, chafriolant de posséder enfin la jolie fille qu’il convoitait depuis longtemps, s’était remis à table. Neroweg, toujours tremblant et presque ivre de vin et de frayeur, croyant l’enfer sous ses pieds, aurait voulu quitter la salle du festin ; il n’osait, se croyant protégé par la sainte présence de l’évêque contre les attaques du diable. En vain l’homme de Dieu engageait son hôte à vider encore une coupe, le comte repoussait la coupe de sa main, roulant autour de lui ses petits yeux d’oiseau de proie effaré.

L’ermite laboureur, comme d’habitude, rêvait ou observait en silence…