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au sommet de sa tête par une courroie, retombant derrière son dos comme une crinière, car depuis deux cents ans et plus, la coiffure de ces barbares n’a pas changé (I) ; son menton et ses joues sont rasés, mais ses longues moustaches rousses descendent jusque sur sa poitrine, couverte d’une casaque de peau de daim, luisante de graisse, marbrée de taches de vin ; sur ses chausses de grosse toile crasseuse se croisent de longues bandelettes de cuir montant depuis ses gros souliers ferrés jusqu’à ses genoux ; de son baudrier flottant il a retiré sa lourde épée, placée près de lui sur un siège à côté d’un gros bâton de houx ; tel est le convive du prélat, tel est le comte Neroweg ; l’un de ces nouveaux possesseurs de la vieille terre des Gaules, de par le droit de pillage et de massacre…

Et l’évêque Cautin ?… Oh ! celui-ci ressemble à un gros et gras renard en rut… Œil lascif et matois, oreille rouge, nez mobile et pointu, mains pelues… Vous le voyez d’ici, chafriolant sous sa fine robe de soie violette… Et quel ventre ! On dirait une outre sous l’étoffe !

Et l’ermite laboureur ? Oh ! l’ermite laboureur ? Respect à ce prêtre, selon le jeune homme de Nazareth !… Trente ans au plus… figure pâle, à la fois douce et ferme, barbe blonde, front déjà chauve, longue robe brune, d’étoffe grossière, çà et là éraillée par les ronces des terres qu’il a défrichées ; carrure rustique ; mains robustes, le manche de la houe et de la charrue les a rendues calleuses. Voilà l’ermite !

L’évêque verse encore un grand coup à boire au Frank, lui disant :

— Comte… je te le répète… les vingt sous d’or, la prairie et la petite esclave blonde, sinon, pas d’absolution !

— Absous-moi d’abord ! patron ?

— Tu rirais…

— Évêque, je reviendrai avec tous mes leudes mettre ta maison à sac ; je te ferai étendre sur un brasier ardent, et tu m’absoudras…