— C’est le droit de la guerre… Si cet évêque insensé, si cette reine implacable veulent la guerre ! il faut aussi garder prisonniers les deux prêtres qui ont par trahison amené ici l’archidiacre.
— Misérables traîtres !… J’ai entendu tes moines parler de la leçon qu’ils se réservent de leur donner… à grands coups de houssine…
— Je défends formellement toute violence à l’égard de ces deux prêtres ! — dit Loysik d’une voix sévère, en s’adressant à deux moines laboureurs qui étaient alors dans sa cellule. — Ces clercs sont les créatures de l’évêque, ils auront obéi à ses ordres ; aussi, je vous le répète, pas de violences, mes enfants.
— Bon père Loysik, puisque vous l’ordonnez, il ne sera fait aucun mal à ces traîtres.
Les adieux que les habitants de la colonie et des membres de la communauté adressèrent à Loysik furent navrants ; bien des larmes coulèrent, bien des mains enfantines s’attachèrent à la robe du vieux moine ; mais ces tendres supplications furent vaines, il partit accompagné jusqu’au bac par Ronan et sa famille : là se trouva le Veneur, chargé de couper la retraite aux Franks. En occupant ce poste avec ses hommes, il avait aperçu, de l’autre côté de la rivière, les esclaves gardant les chevaux des guerriers et les bagages de l’archidiacre. Le Veneur crut prudent de s’emparer de ces hommes et de ces bêtes ; il laissa, près de la logette du guet, la moitié de ses compagnons, et, à la tête des autres, il traversa la rivière dans le bac. Les esclaves ne firent aucune résistance, et, en deux voyages, chevaux, gens et chariots furent amenés sur l’autre bord. Loysik approuva la manœuvre du Veneur ; car les esclaves, ne voyant pas revenir Gondowald et l’archidiacre, auraient pu retourner à Châlons donner l’alarme, et il importait au vieux moine, pour ses projets, de tenir secret ce qui s’était passé au monastère. Loysik, vu son grand âge et les longueurs de la route, crut pouvoir user de la mule de l’archidiacre pour ce voyage ; elle fut donc rembarquée sur le bac, que Ronan et son fils