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guerre, les légions romaines ; le chef des cent vallées ! Vindex ! et tant d’autres héros de la Gaule n’étaient-ils pas enfants de l’Auvergne ? de la mâle et belle Auvergne, aujourd’hui la proie de Clothaire, le plus féroce des quatre fils du féroce Clovis, ce meurtrier chéri des évêques et de la sainte église de Rome ?

Au chant de Ronan le Vagre, d’autres voix répondaient en chœur. Ils étaient là par une douce nuit d’été ; ils étaient là une trentaine de Vagres, gais compères, rudes compagnons, vêtus de toutes sortes de façons, au gré des vestiaires des seigneurs franks et des évêques ; mais armés jusqu’aux dents, et portant à leur bonnet, en signe de ralliement, une branchette de chêne vert.

Ils arrivent à un carrefour : une route à droite, une route à gauche… Ronan fait halte ; une voix s’élève, la voix de Dent-de-Loup… Quel Titan ! il a six pieds : le cercle d’une tonne ne lui servirait pas de ceinture.

— Ronan, tu nous as dit : Frères, armez-vous, nous sommes armés… Prenez quelques torches de paille, voici nos torches… Suivez-moi, nous te suivons… Tu t’arrêtes, nous nous arrêtons…

— Dent-de-Loup, je réfléchis… Donc, frères, répondez : Quoi vaut mieux, la femme d’un comte frank ou une évêchesse ?

— Une évêchesse sent l’eau bénite, l’évêque bénit… La femme d’un comte sent le vin, son mari s’enivre…

— Dent-de-Loup, c’est le contraire : le prélat rusé boit le vin et laisse l’eau bénite au Frank stupide.

— Ronan a raison.

— Au diable l’eau bénite, et vive le vin !

— Oui, vive le vin de Clermont ! dont Luern, le grand chef d’Auvergne au temps jadis (C), faisait remplir des fossés, grands comme des étangs, pour désaltérer les guerriers de sa tribu.

— C’était une coupe digne de toi, Dent-de-Loup… Mais, frères, répondez donc… Quoi vaut mieux ? une évêchesse ou la femme d’un comte ?