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frissonnante, que souvent l’on éprouve à la veillée, lorsqu’au coin d’un foyer paisible l’on entend raconter quelque histoire épouvantable : heureux, humble et ignoré, l’on est certain de ne jamais être jeté au milieu d’aventures effrayantes comme celles dont la narration vous fait frémir, pourtant l’on craint et l’on désire à la fois la continuation du récit.

— Tenez, — disait Ronan, — afin de démêler ce chaos sanglant, puisque nous parlons de ce monstre femelle, qui a nom Brunehaut, et qui règne à cette heure en Bourgogne, rappelons les faits en deux mots : Clotaire, après avoir fait brûler vifs Chram, son fils, sa femme et leurs deux petites filles, est mort depuis cinquante-trois ans, n’est-ce pas ?

— Oui, mon père, — reprit Grégor, — puisque nous sommes en l’année 613.

— Ce Clotaire avait laissé quatre fils : Charibert régnait à Paris, Gontran était roi d’Orléans et de Bourges ; Sigebert, roi d’Ostrasie, résidait à Metz, et Chilpérik, roi de Neustrie, occupait la demeure royale de Soissons, puisque nos conquérants ont appelé Neustrie et Ostrasie les provinces du nord et de l’est de la Gaule.

— Chilpérik ? — reprit le fils de Ronan, — Chilpérik, ce Néron de la Gaule, qui, dit-on, terminait ainsi l’un de ses édits : « Que celui qui n’obéirait pas à cette loi ait les yeux arrachés ! »

— C’est seulement de celui-là seul et de son frère Sigebert que nous nous occupons… Laissons de côté ses deux autres frères, Charibert et Gontran, tous deux morts sans enfants : le premier en 566, le second en 593 ; ils se sont montrés les dignes descendants de Clovis, mais il ne s’agit pas d’eux dans ce récit.

— Mon père, l’effrayante histoire qui nous intéresse est celle de Brunehaut et de Frédégonde, puisque ces deux noms, désormais inséparables, sont accolés dans le sang…

— J’arrive à l’histoire de ces deux monstres et de leurs époux Chilpérik et Sigebert, car ces louves ont leurs loups, et qui pis est, pour