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les Franks… Aëlian et Aman, suppliciés il y a deux siècles et plus dans leur vieux château, près Paris, sont nos prophètes. Nous communions avec le vin, les trésors et les femmes des seigneurs, évêques ou riches Gaulois, ralliés à ces comtes, à ces ducs franks, entre qui leur roi Clovis, mort il y a quarante ans, chef de larrons couronné, a partagé notre vieille Gaule, sa conquête. Les Franks nous ont pillés, pillons !! incendiés, incendions !! ravagés, ravageons !! massacrés, massacrons !… et vivons en joie… Loups ! Têtes de loups ! Hommes errants ! Vagres, que nous sommes ! Oui, vivons en loups, vivons en joie : l’été, sous la verte feuillée ; l’hiver, dans les chaudes cavernes !

» Mort aux oppresseurs ! liberté aux esclaves ! Prenons aux seigneurs ! donnons au pauvre monde !…

» Quoi ! cent tonneaux de vin dans le cellier du maître ? et l’eau du ruisseau pour l’esclave épuisé ?

» Quoi ! cent manteaux dans le vestiaire ? et des haillons pour l’esclave grelottant ?

» Qui donc a planté la vigne ? récolté, foulé le vin ? l’esclave… Qui donc doit boire le vin ? l’esclave…

» Qui donc a tondu les brebis ? tissé la laine ? ouvragé les manteaux ? l’esclave..

» Qui donc doit porter le manteau ? l’esclave…

» Debout, pauvres opprimés ! debout ! révoltez-vous ! voici venir vos bons amis les Vagres !…

» Six hommes unis sont plus forts que cent hommes divisés… Unissons-nous : chacun pour tous, tous pour chacun !! Au diable les Franks ! Vive la Vagrerie et la vieille Gaule ! c’est le cri de tout bon Vagre… »

Qui chantait ainsi ? Ronan le Vagre… où chantait-il ainsi ? sur une route montueuse qui conduisait à la ville de Clermont, en Auvergne, cette mâle et belle Auvergne, terre des grands souvenirs : Bituit, qui donnait pour repas du matin à sa meute de chiens de