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rappeler ses frères au bon accord. Quelques ferments de troubles passagers, et bientôt étouffés par l’ascendant du vieux moine laboureur, s’étaient cependant parfois manifestés, voici comment : La communauté de Charolles, quoique absolument libre et indépendante en ce qui touchait sa règle intérieure : l’élection de son supérieur, la disposition des fruits du sol cultivé par elle, était néanmoins soumise à la juridiction de l’évêque du diocèse ; de plus, il avait le droit d’établir dans le monastère les prêtres de son choix pour y dire la messe, donner la communion, les sacrements, et desservir la chapelle du monastère, aussi destinée aux habitants de la vallée de Charolles. Loysik s’était soumis à cette nécessité du temps afin d’assurer le repos de ses frères et des habitants de la vallée ; mais ainsi introduits au sein de la communauté laïque, ces prêtres, créatures des évêques de Châlons-sur-Saône, avaient plus d’une fois tenté de semer la division entre les moines laboureurs, disant à ceux-ci, qu’ils ne donnaient pas assez de temps à la prière, engageant ceux-là à entrer dans l’Église et à devenir moines ecclésiastiques, afin de participer à la puissance du clergé. Plus d’une fois ces tentatives d’embauchage arrivèrent aux oreilles de Loysik, qui dit fermement à ces catholiques artisans de troubles :

« — Qui travaille prie… Jésus de Nazareth blâme fort ces fainéants qui, ne touchant pas du doigt aux plus lourds fardeaux, en chargent, sous prétexte de longues prières, les épaules de leurs frères. Nous ne voulons pas ici d’oisifs… nous sommes tous frères et fils d’un même Dieu : moines laïques ou ecclésiastiques se valent lorsqu’ils vivent chrétiennement ; que les uns, ayant vaillamment concouru aux travaux de la communauté, préfèrent employer à la prière les loisirs indispensables à l’homme après le labeur, libre à eux ; de même que dans notre communauté il nous plaît d’employer nos loisirs à la culture des fleurs, à la lecture, à la conversation entre amis, à la pêche, à la promenade, au chant, à la peinture des manuscrits, aux métiers d’agrément, et de temps à autre