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— Odille, si mon mari et le vôtre commencent à parler du temps passé, nous n’arriverons pas au monastère avant la nuit, et Loysik nous attend.

— Belle et judicieuse évêchesse, vous serez écoutée, — reprit gaiement Ronan. — Viens, Grégor ; venez, mes enfants ; allons quitter nos habits de travail ; hâtons-nous, car nous serons plus vite auprès de mon bon frère Loysik.

Bientôt, Fulvie, petite-fille de l’évêchesse, tenant à la main un brandon allumé, sortit de la maison avec plusieurs de ses compagnes, et mit le feu au bûcher… Les cris joyeux des jeunes filles et des enfants saluèrent la grande colonne de flamme claire et brillante qui monta vers le ciel. À ce signal, les habitants de la vallée, encore occupés aux travaux des champs, regagnèrent leurs maisons, et une heure après, tous réunis, hommes, femmes, enfants, vieillards, se rendaient gaiement par bandes au monastère de Charolles.




La communauté de Charolles est un grand bâtiment de pierres, solide, mais sans ornement ; il contient, en outre des cellules des moines, les bâtiments de l’exploitation agricole, une chapelle, un hospice pour les malades de la vallée, une école pour les enfants. Ces frères laboureurs, depuis cinquante ans, ont toujours élu Loysik pour supérieur ; ils sont, chose rare pour le temps, restés laïques, Loysik les ayant toujours engagés à ne se point lier imprudemment par des vœux éternels, et à ne se point confondre avec le clergé, les évêques étant très-désireux de dominer temporellement les monastères, afin d’exploiter les travaux des moines, et de les réduire à une sorte de servage ecclésiastique, la vie de ces moines laborieux, paisibles, et véritablement chrétiens, contrastant avec la dissolution, la fainéantise et la cupidité des évêques, portait ombrage à ceux-ci. Les moines de la communauté de Charolles avaient jusqu’alors vécu sous une règle consentie en commun, et rigoureusement