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j’ai vu mourir le père de Ronan… et où j’ai perdu mon premier-né.

— Tenez, dame Odille, voilà vos consolations qui reviennent des champs.

Ces consolations, c’était Ronan et son second fils Grégor, homme d’un âge déjà mûr, accompagné de ses deux enfants : Guenek, beau garçon de vingt ans, et Asilyk, jolie fille de dix-huit ans. Ronan le Vagre, malgré sa barbe et ses cheveux blancs, malgré ses soixante-quinze ans, était encore alerte, vigoureux, et, comme toujours, de bonne humeur.

— Bonsoir, — dit-il à sa femme en l’embrassant, — bonsoir, petite Odille.

Puis ce fut le tour de Grégor et de ses deux enfants à embrasser Odille en disant :

— Bonsoir, ma chère mère.

— Bonsoir, bonne grand’mère

— Les entendez-vous tous ? — reprit la compagne de Ronan avec ce rire si doux chez les vieillards, — les entendez-vous ? pour ces deux-ci je suis mère-grand, et pour celui-ci, je suis : petite Odille…

— Quand tu auras cent ans, et tu les auras, foi de Ronan ! je t’appellerai encore et toujours petite Odille… de même que ces vieux amis que voici, je les appellerai toujours le Veneur et l’évêchesse.

Le Veneur et sa femme venaient en effet rejoindre Ronan, tous deux aussi blanchis par les années, mais rayonnants de bonheur et de santé.

— Oh ! oh ! comme te voilà déjà beau, mon vieux compagnon, avec ta saie neuve et ton bonnet brodé… Et vous, belle évêchesse, que vous voilà brave aussi…

— Ronan, foi de vieux Vagre ! — dit le Veneur, — je l’aime encore autant, ma Fulvie ! ainsi vêtue en matrone, avec sa robe brune et sa coiffe blanche comme ses cheveux, qu’autrefois avec sa jupe orange, son écharpe bleue, ses colliers d’or et ses bas rouges brodés d’argent… te souviens-tu, Ronan ? te souviens-tu ?