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sont les tanneries, les forges, les moulins aux meules énormes ; tout est dans cette vallée, paix, sécurité, contentement, travail : le bruit du battoir des lavandières et des corroyeurs, le choc du marteau des forgerons, les cris joyeux des vendangeurs, le chant cadencé des laboureurs, qui marquent l’égale et lente allure de leurs bœufs, la flûte rustique des bergers ; tous ces bruits, jusqu’au bourdonnement des essaims d’abeilles, autres infatigables travailleuses, qui se hâtent de recueillir le suc des dernières fleurs d’automne ; tous ces bruits si divers, des plus lointains, des plus vagues, aux plus retentissants, se fondent en une seule harmonie à la fois douce et imposante : c’est la voix du travail et du bonheur, s’élevant vers le ciel comme une éternelle action de grâce.

Que se passe-t-il donc dans cette maison bâtie comme les autres, mais qui, plus rapprochée de la crête de la colline, occupe le point culminant du village, et domine au loin la vallée ? Les habitants de cette demeure, parés d’habits de fête, vont et viennent du dedans au dehors ; ils amoncellent à une assez grande distance de la porte une espèce de bûcher de sarments de vigne ; des jeunes filles, des enfants, apportent joyeusement leurs brassées de bois sec, puis repartent en courant chercher d’autres combustibles. Une bonne petite vieille, aux cheveux d’un blanc d’argent, mignonne, proprette et encore alerte pour son grand âge, surveille la confection du bûcher. Comme toutes les bonnes vieilles, elle bougonne et sermonne, non méchamment, mais gaiement… Écoutez plutôt :

— Ah ! ces jeunes filles, ces jeunes filles ! toujours folles ! hâtez-vous donc, au lieu de rire ; ce bûcher n’est point encore assez haut. C’était vraiment bien la peine de vous lever dès l’aube afin d’avoir terminé vos travaux accoutumés avant vos compagnes, pour folâtrer ainsi, au lieu d’achever promptement ce bûcher… Tenez, je suis certaine que déjà du fond de la vallée plus d’un regard impatient se sera tourné par ici, et que plus d’une voix aura dit : « Mais que font-ils donc là-bas, qu’ils ne nous donnent point le signal ? est-ce