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poignard dans le cœur de l’un des fils de ce monstre de Clovis ?… » Mais lorsque le lendemain soir j’ai vu ce que j’ai vu…

— Voici que tu pâlis encore à ce souvenir, Ronan ?

— Oui, ce souvenir me poursuit ; aussi je ne regrette plus de n’avoir pas tué ce Clotaire… Écoutez, Kervan… et ainsi que moi tout à l’heure vous pâlirez. Chram, n’ayant plus avec lui que peu de troupes, avait fui devant les forces supérieures de son père… espérant entrer en Bretagne, mais il trouva les frontières gardées par Kanao.

— Et bien gardées… Kanao est l’un des plus vaillants guerriers de l’Armorique.

— Chram, accompagné de son digne ami Spatachair (le Lion de Poitiers, ce Gaulois renégat, dont j’ai parlé dans mes récits, était mort fou depuis peu), Chram, accompagné de Spatachair, se rendit près de Kanao, et lui proposa de joindre ses troupes bretonnes à celle des Franks pour combattre Clotaire, son père, et le tuer, s’il pouvait. « — Je suis toujours fort aise de voir des Franks s’entr’égorger, — répondit Kanao à Chram ; — cependant l’horreur que m’inspirent tes projets parricides est telle, quoique ton père soit un monstre de ton espèce, que je ne veux aucune alliance avec toi ; mes troupes me suffiront pour combattre Clotaire, s’il veut envahir nos frontières, que pas un guerrier frank n’a franchies jusqu’ici. » Chram, assuré du moins de la neutralité de Kanao, mais acculé aux confins de l’Armorique, comme un loup dans sa tanière, se prépara pour le lendemain à un combat désespéré, ayant d’ailleurs, ainsi que je l’ai su plus tard, la précaution de s’assurer d’un vaisseau, qui devait l’attendre près du petit port du Croisik, afin de s’embarquer là, si le sort de la bataille lui était contraire !

— Fils contre père… guerre parricide !

— J’étais arrivé sain et sauf jusqu’aux limites de la Bretagne ; le résultat du combat m’importait peu, pourvu qu’il y eût beaucoup de Franks exterminés de part et d’autre ; mon seul but était de me rendre ici. Le hasard me fit rencontrer près de Nantes deux Bretons