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— Et mon frère Karadeuk a-t-il du moins joui de cette vie paisible et fortunée, après tant d’aventures ?

— Oui… jusqu’au jour de sa mort il a vécu heureux dans notre maison, auprès d’Odille et de moi… il a pu bénir mon premier-né…

— Quelle a été la cause de la mort de mon frère ?

— Vous avez vu, Kervan, dans ces récits, quel homme était ce Chram, fils du roi Clotaire ?

— Oui, c’était le digne fils d’un tel père…

— Ses projets de révolte ayant échoué en Poitou et en Auvergne, il s’est dernièrement jeté en Bourgogne, à la tête de quelques troupes, pour soulever ce pays contre son père ; les comtes et les ducs de Clotaire, en ce pays, crurent de leur intérêt de combattre Chram dans cette nouvelle guerre civile ; néanmoins il ravagea une partie de ce malheureux pays. Une des bandes de Chram arriva près de notre vallée ; mon père et Loysik, prévoyant les éventualités de ces temps de troubles, nous avaient fait fortifier, au moyen de fossés et d’abattis d’arbres, les points de la vallée qui n’étaient pas défendus, soit par la rivière, soit par des ravins presque inaccessibles ; nos colons et les hommes de la communauté occupaient ces positions tour à tour et en armes, depuis l’invasion du fils de Clotaire en Bourgogne. Mon père commandait un de ces postes avancés lorsque les guerriers de Chram s’approchèrent de notre vallée pour la ravager.

— Sans doute il y eut un combat, et mon pauvre frère Karadeuk…

— Fut mortellement blessé en repoussant les Franks à la tête de nos hommes… Mon père mourut après avoir prononcé les paroles que je vous ai dites. Durant ce combat, il portait ce poignard saxon appartenant à Loysik, et ramassé par le Veneur lors de l’attaque des gorges d’Allange ; celui-ci l’avait rendu à mon frère après notre fuite du burg de Neroweg… Loysik donna plus tard cette arme à mon père ; il la portait le jour où il fut mortellement blessé… Il m’a prié de vous l’apporter et de la joindre aux reliques de notre famille.