« Il ne convient pas que ceux qui ont déjà obtenu les degrés ecclésiastiques, c’est-à-dire les prêtres, soient sujets à recevoir des coups, si ce n’est pour des choses graves ; il ne convient pas que chaque évêque, à son gré et selon qu’il lui plaît, frappe de coups et fasse souffrir ceux qui lui sont soumis. »
Un autre concile de 527 : — « Il nous est parvenu que certains évêques s’emparent des choses données par les fidèles aux paroisses ; de sorte qu’il ne reste rien ou presque rien aux églises. »
Le concile de 633 est non moins formel : « Ces évêques, ainsi que l’a prouvé une enquête, accablent d’exactions leurs églises paroissiales, et pendant qu’ils vivent eux-mêmes avec un riche superflu, il est prouvé qu’ils ont réduit presque à la ruine certaines basiliques. Lorsque l’évêque visite son diocèse, qu’il ne soit à charge à personne par la multitude de ses serviteurs, et que le nombre de ses voitures ne soit pas de plus de cinq. »
M. Guizot, dans son admirable ouvrage : Histoire de la civilisation en France, après avoir cité des preuves nombreuses, irréfragables de la hideuse cupidité de l’épiscopat et de son implacable ambition, ajoute : « En voilà plus qu’il n’en faut sans doute pour prouver l’oppression et la résistance, le mal et la tentation d’y porter remède ; la résistance échoua, le remède fut inefficace ; le despotisme épiscopal continua de se déployer ; aussi au commencement du septième siècle, l’Église était tombée dans un état de désordre presque égal à celui de la société civile… Une foule d’évêques se livraient aux plus scandaleux excès : maîtres des richesses toujours croissantes de l’Église, rangés au nombre des grands propriétaires, ils en adoptaient les intérêts et les mœurs ; ils faisaient contre leurs voisins des expéditions de violence et de brigandage, etc., etc. » (P. 396, v. 1.)
« Cautin, devenu évêque, se conduisit de manière à exciter l’exécration générale ; il s’adonnait au vin outre mesure, et souvent il se plongeait tellement dans l’ivresse, que quatre hommes avaient peine à l’emporter de table. Il en devint épileptique ; il était en outre excessivement livré à l’avarice, et quelle que fût la terre dont les limites touchaient à la sienne, il se croyait mort s’il ne s’appropriait pas quelque partie des biens de ses voisins, l’enlevant aux plus forts par des procès et des querelles, l’arrachant aux plus faibles par la violence. » (L. IV, p. 29, v. 2.)
Dans son amour pour le bien d’autrui, l’évêque Cautin fit un autre tour fort longuement raconté par saint Grégoire. Il s’agissait d’un prêtre nommé Anastase, qui, par une charte de la reine Clotilde, possédait une propriété ; ce bien, l’évêque Cautin le convoita ; il le demanda à Anastase ; celui-ci refusa de se déposséder ; l’évêque l’attire alors chez lui sous un prétexte, le renferme et lui signifie qu’il le laissera mourir de faim s’il ne lui abandonne ses titres de propriété ; Anastase persiste dans ses refus ; alors, dit Grégoire de Tours :
« Anastase est remis à des gardiens et condamné par Cautin, s’il ne remet les chartes, à mourir de faim ; dans la basilique de saint Cassius, martyr, était une crypte antique et profonde ; là se trouvait un vaste tombeau de marbre de Paros, où avait été déposé le corps d’un grand personnage dans le sépulcre. Anastase (par l’ordre de Cautin) est enseveli avec le mort ; on met sur lui une pierre qui servait de couvercle au sarcophage, et on place des gardes à l’entrée du souterrain. »
Entre autres détails que donne Grégoire de Tours sur cette torture atroce, il cite celui-ci :
« … Des os du mort, — c’est Anastase qui le racontait ensuite, — s’exhalait une odeur pestilentielle, et il inspirait, non-seulement par la bouche et par les narines, mais, si j’ose le dire, par les oreilles même cette atmosphère cadavéreuse. » (L. IV, p. 31)
Au bout de quelques heures, Anastase put soulever la pierre du sépulcre, appela à son aide, et fut délivré. Quant à l’évêque Cautin, il songea à d’autres tours, et conserva bel et bien son évêché.
Certes, il y eut des évêques purs de ces crimes abominables ; mais les plus purs de ces prêtres achetaient, vendaient, exploitaient des esclaves, crime inexpiable pour un prêtre du Christ ; aucune puissance humaine, morale ou physique, ne pouvait les forcer à conserver leur prochain en esclavage ; mais les plus purs de ces prêtres étaient enrichis des dépouilles ensanglantées de leurs concitoyens ; mais les plus purs de ces prêtres se rendaient complices des conquérants pour asservir la Gaule, leur patrie ; mais le nombre de ces évêques, moins coupables que l’universalité de leurs confrères, était bien minime. Citons encore l’histoire :
« La religion, — écrivait saint Boniface au pape Zacharie, — est partout foulée aux pieds ; les évêchés sont presque toujours donnés à des laïques avides de richesses, ou à des prêtres débauchés et prévaricateurs qui en jouissent selon le monde. J’ai trouvé, parmi les diacres, des hommes habitués dès l’enfance à la débauche, à l’adultère, aux vices les plus infâmes ; ils ont dans leur lit, pendant la nuit, quatre ou cinq concubines et même davantage ; tout récemment on a vu des gens de cette espèce monter ainsi de grade en grade jusqu’à l’épiscopat…, etc., etc.
Vous avez eu et vous aurez connaissance, chers lecteurs des crimes et des mœurs de ces rois franks, nos premiers rois de droit divin, ainsi que disent les royalistes et les ultramontains ; quant aux mœurs des seigneurs ducs et des seigneurs comtes franks, leurs compagnons de pillage, de viol et de massacre, nous emprunterons au hasard à Grégoire de Tours quelques traits caractéristiques des habitudes de nos doux conquérants :
« Le comte Amal s’éprit d’amour pour une jeune fille de condition libre ; quand vint la nuit, pris de vin, il envoya des serviteurs chargés d’enlever la jeune fille et de l’amener dans son lit. Comme elle résistait, on la conduisit de force dans la demeure du comte, et comme on lui donnait des soufflets, le sang coulait à flots de ses narines, et le lit du comte en fut tout rempli ; lui-même lui donna des coups de poing, des soufflets et autres coups ; puis il la prit dans ses bras et s’endormit accablé par le sommeil. » (L. IX, p. 331).