Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vante et l’ignorance, subissent des maux inouïs avec une résignation dégradante, impie ! les autres, se jetant comme vous dans une révolte légitime, mais impuissante parce qu’elle est partielle, sont en proie à je ne sais quel vertige furieux, sanglant, et mêlent les actes les plus généreux aux actes les plus déplorables… Votre vengeance est légitime, et elle engendre fatalement d’incalculables malheurs ! Aujourd’hui, frappés par vous de terreur, quelques cœurs, jusqu’alors impitoyables, se montrent moins cruels envers leurs esclaves ; mais demain ? demain… vous serez loin et les bourreaux redoubleront de cruauté… Vous incendiez les demeures de ces conquérants barbares établis en Gaule par le massacre et le pillage ; mais ces demeures écroulées dans les flammes, qui les rebâtira ? nos frères esclaves ! Vous partagez entre eux les dépouilles des seigneurs et des prélats enrichis par la rapine, l’exaction, la simonie ; mais ces ressources précaires, dites, combien durent-elles pour nos frères esclaves ? quelques jours à peine ; puis la misère pèsera plus atroce encore sur ces malheureux ! Ces coffres vidés par vous, charitablement je le sais, qui devra les remplir ? nos frères esclaves, par de nouveaux et écrasants labeurs ! Et que de larmes ! que de sang versé ! que de ruines !…

» — Oui, des larmes ! des ruines ! du sang ! — crièrent plusieurs voix. — Nos conquérants ne l’ont-ils pas fait couler à flots, le sang de notre race !… Périsse le monde, et nous avec lui, et avec nous l’iniquité qui nous dévore !…

» — Périsse l’iniquité ! oui, périsse l’esclavage ! oui, périssent la misère, l’ignorance !… Oui, oui ! demandez à Ronan, mon frère, si je ne lui disais pas un jour : Comme toi, j’ai horreur de la conquête barbare ; comme toi, j’ai horreur de l’asservissement ; comme toi, j’ai horreur de l’ignorance funeste où de faux prêtres de Jésus tiennent leurs semblables ; comme toi, j’ai horreur de la dégradation de notre Gaule bien-aimée… Mais pour vaincre à jamais la barbarie, l’ignorance, la misère, l’esclavage, il faut les combattre,