Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Le père et le fils sur nos frontières ?

— Oui, et ils se sont montrés dignes l’un de l’autre… Ah ! Kervan ! j’ai dès mon enfance couru la Vagrerie… j’ai dans ma vie assisté à de terribles spectacles… mais, foi de Vagre, je n’ai jamais éprouvé une pareille épouvante… et d’horreur encore je frissonne quand je songe à ce qui, sous mes yeux, s’est passé lors de la rencontre de Chram et de son père.

— Je te crois, Ronan, car te voici tout pâle à ce souvenir.

— Horrible… horrible… mais je viendrai tout à l’heure à ce récit ; fidèles à notre promesse envers Loysik, nous nous rapprochions des confins de la Bourgogne. Cette contrée, l’une des premières conquises avant Clovis par d’autres barbares venus de Germanie, et appelés Burgondes, était aussi pleine des héroïques souvenirs de la vieille Gaule ! À la voix de Vercingétorix, le chef des cent vallées, les populations s’étaient soulevées en armes contre les Romains, Épidorix, Convictolitan, Lictavic, et d’autres patriotes de cette province, avaient rejoint avec leurs tribus le chef des cent vallées, jaloux de combattre avec lui pour la liberté des Gaules.

— Et cette contrée autrefois si vaillante… a subi le sort commun !

— Là comme ailleurs, Kervan, les évêques avaient hébêté ces populations jadis si viriles.

— Oui, tandis que dans notre Armorique les druides chrétiens ou non chrétiens nous prêchent encore l’amour de la patrie, la haine de l’étranger.

— Aussi la Bretagne est jusqu’ici restée libre ; il n’en fut pas ainsi de la malheureuse province dont je vous parle ; dès 355, son peuple avait dégénéré, deux chefs de hordes, Westralph et Chnodomar, avaient envahi cette contrée ; d’autres barbares, les Burgondes, venus des environs de Mayence, chassèrent à leur tour ces premiers envahisseurs et s’établirent en ce pays vers l’année 416. Ces Burgondes, qui ont donné leur nom à cette province, étaient des peuples pasteurs, moins féroces que les autres tribus de Germanie. Le plus