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servi d’armes. Les Barbares étaient refoulés hors des frontières ; l’indépendance de la Gaule sauvée, la doctrine évangélique acclamée de nouveau, dans l’enthousiasme du plus saint des triomphes, celui d’un Peuple libre triomphant de l’oppression étrangère !… Alors des débris du monde païen et barbare s’élevait pure, fière, radieuse, la société nouvelle réalisant enfin ce vœu suprême de Jésus : Liberté ! Égalité ! Fraternité !

Mais non, les évêques ne l’ont pas voulu ! Leur alliance sacrilège avec les Franks a coûté à nos pères esclaves, serfs ou vassaux, quatorze siècles d’ignorance, de douleurs et de misères… Mais qu’importait aux princes de l’Église catholique ? Ils dominaient les Peuples par les rois, savouraient l’orgueil de leur toute-puissance, riaient des sots qu’ils épouvantaient, jouissaient des biens de la terre, en ne se plongeant que trop souvent dans la débauche, la crapule et les plus sanglants excès !…

Est-ce exagération que de parler ainsi ? Empruntons à Grégoire de Tours, évêque lui-même, quelques portraits d’évêques de son temps. « L’évêque Priscus, qui avait succédé à Sacerdos (évêque de Lyon), d’accord avec Suzanne, son épouse[1], se mit à persécuter et à faire périr plusieurs de ceux qui avaient été dans la familiarité de son prédécesseur. Le tout par malice et uniquement par jalousie de ce qu’ils lui avaient été attachés ; lui et sa femme se répandaient en blasphèmes contre le saint nom de Dieu, et malgré la coutume observée depuis longtemps de ne permettre l’entrée de la maison épiscopale à aucune femme, celle de Priscus entrait dans sa chambre avec des jeunes filles. » (Grégoire de Tours, L. IV, p. 105.)

« Palladius, comte de la ville de Javols en Auvergne, disait à l’évêque Parthénius, qu’il accusait de sodomie : — Où sont-ils tes maris, avec lesquels tu vis dans le désordre et l’infamie ? »

« Felix, évêque de Nantes, était d’une jactance et d’une avidité extrêmes ; mais je m’arrête pour ne pas lui ressembler. » (Liv. V, p. 183).

« Les gens de Langres, après la mort de Sylvestre, demandèrent un autre évêque ; on leur donna Pappol, autrefois archidiacre d’Autun. Au rapport de plusieurs, il commit beaucoup d’iniquités ; mais nous n’en dirons rien pour qu’on ne nous croie pas détracteurs de nos frères. » (Liv. V, p. 189.)

« … Le mari accusa vivement l’évêque Bertrand. — Tu as enlevé, dit-il, ma femme et ses esclaves, et ce qui ne convient point à un évêque, vous vous livrez honteusement à l’adultère, toi avec mes servantes, elle avec tes serviteurs — Alors le roi, transporté de colère, exigea de l’évêque la promesse de rendre la femme à son mari. » (Liv. IX, p. 340, v. 3.)

« La ville de Soissons avait pour évêque Droctigisill, qui, par excès de boisson, avait perdu la raison depuis quatre ans. » (liv. IX, p. 359, v. 3)

« Sunigésill, livré à la torture, avoua qu'Égidius, évêque de Reims, avait été complice de Raukhing dans le projet de tuer le roi Childebert (la complicité fut prouvée.) L’on trouva dans le trésor de cet évêque, des masses considérables d’or et d’argent, fruit de son iniquité. » (P. 4, liv. X, p. 97.)

L’évêché de Paris fut donné à un marchand nommé Eusèbe, qui, pour obtenir l’épiscopat, fit de nombreux présents. (T. IV, p. 113.)


« Berthécram, évêque de Bordeaux, et Pallado, évêque de Sens, avaient souvent trompé le roi par leurs fourberies. Dans la suite, Pallado et Berthécram s’emportèrent l’un contre l’autre et se reprochèrent mutuellement un grand nombre d’adultères et de fornications. Ils se traitèrent aussi de parjures. Cela donna à rire à plusieurs. » (Liv. VIII, p. 139).

« L’abbé Dagulf commettait à chaque instant des vols et des meurtres, et se livrait à l’adultère avec une extrême dissolution. Épris de passion pour la femme de son voisin, il chercha tous les moyens d’attirer cet homme dans son monastère pour le tuer. » (Liv. VIII, p. 179, t. 3.)

« Badegesil, évêque du Mans, était un homme très-dur au peuple ; qui enlevait de force ou pillait le bien d’autrui ; il avait une femme nommée Magnatrude, encore plus méchante et plus cruelle que lui, et qui par de détestables conseils, excitait sa cruauté naturelle, et le poussait à commettre des crimes. Cette femme coupa souvent à des hommes les parties naturelles et la peau du ventre, et brûla à des femmes avec des lames rougies au feu les parties les plus secrètes de leurs corps. » (Liv. VIII, p. 231, tom. 3.)

« Le neveu de l’évêque, ayant fait mettre l’esclave à la torture, il dévoila toute l’affaire : — J’ai reçu, dit-il, pour commettre le crime cent sous d’or de la reine Frédégonde, cinquante de l’évêque Mélanthius et cinquante autres de l’archidiacre de la ville. » (T. 3, liv.. VIII, p. 235.)

« Salone et Sagittaire furent évêques, le premier d’Embrun, le second de Gap ; mais une fois en possession de l’épiscopat, ils commencèrent à se signaler avec une fureur insensée, par des usurpations, des meurtres, des adultères et d’autres excès ; quittant la table au lever de l’aurore, ils se couvraient de vêtements moelleux et dormaient ensevelis dans le vin et le sommeil jusqu’à la troisième heure du jour. Ils ne se faisaient pas faute de femmes pour se souiller avec eux. » (Liv. V, p. 263.)

« L’évêque Oconius était adonné au vin outre mesure ; il s’enivrait souvent d’une manière si ignoble qu’il ne pouvait faire un pas. » (Liv. V, 313).

« Nous avons appris, — dit le concile de 589, — que les évêques traitent leurs paroisses non épiscopalement, mais cruellement. Et tandis qu’il a été écrit : Ne dominez pas sur l’héritage du Seigneur, mais rendez-vous les modèles du troupeau, ils accablent leurs diocèses de pertes et d’exactions. »

Un autre concile, tenu en 675, dit :

  1. Beaucoup de prêtres s’étaient mariés avant d’être appelés à l’épiscopat. On appelait leurs femmes épiscopæ, Évêchesses.