Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Roselyk, entends-tu ma femme ? Ne croirait-on pas entendre notre pauvre mère dire à notre frère Karadeuk, en le grondant de son désir de voir les Korrigans : « Taisez-vous, méchant enfant, vous m’effrayez… »

— Hélas ! mon frère, le cœur de toutes les mères se ressemble.

— Mon père, j’entends des pas au dehors… je suis certain que c’est le vieux Gildas ; il m’avait promis de venir à la veillée, de nous apprendre un nouveau bardit qu’un tailleur ambulant lui a chanté. Justement, c’est lui… Bonsoir, vieux Gildas.

— Bonsoir, mon enfant ; bonsoir à vous tous.

— Ferme la porte, vieux Gildas ; la bise est froide.

— Kervan, je ne suis pas seul.

— Avec qui es-tu donc ?

— Un étranger m’accompagne ; il a frappé à ma demeure et m’a demandé le logis de Kervan, fils de Jocelyn. Ce voyageur vient de Vannes, et de plus loin encore.

— Pourquoi n’entre-t-il pas ?

— Il secoue dehors les frimas dont il est couvert.

— Mon Dieu, Gildas, cet homme serait-il un colporteur ?

— Roselyk, Roselyk, entends-tu encore ma femme ?… Ah ! tu as raison : les cœurs des mères sont tous pareils…

— Non, Martha ; ce jeune homme ne m’a point paru être un colporteur ; à son air résolu, on le prendrait plutôt pour un soldat ; il porte un long poignard à son côté… tenez, le voici.

— Approche, voyageur ; tu as demandé la demeure de Kervan, fils de Jocelyn ? Kervan, c’est moi…

— Salut donc à toi et aux tiens, Kervan… Mais qu’as-tu à me regarder ainsi en silence ? d’où vient le trouble où je te vois ?

— Roselyk, regarde donc ce jeune homme… remarque son front, ses yeux, l’air de sa figure…

— Ah ! mon frère ! il est d’étranges ressemblances… On croirait