sant, moi, ta femme, Roselyk, ta sœur, et Yvon, ton fils, dans des angoisses mortelles…
— Allons, allons, pauvres Gauloises dégénérées, ne parlez point ainsi ; songez à nos légendes de famille… Dites, Margarid, femme de Joel ; Méroë, femme d’Albinik le marin ; Ellèn, femme de Scanvoch, avaient-elles de ces faiblesses, lorsque leurs époux allaient combattre pour la liberté de la Gaule ?
— Hélas ! non ; car Margarid et Méroë ont, comme leurs époux, trouvé la mort dans les batailles…
— Tandis que moi, je n’ai été blessé qu’une fois, en combattant ces Franks maudits, que nous avons exterminés sur nos frontières.
— Oublies-tu, mon frère, le danger que tu as couru aux dernières vendanges ? Étranges vendanges ! que l’on va faire l’épée au côté, la hache à la main !
— Quoi ! une partie de plaisir… sortir gaiement de nos frontières pour aller en armes vendanger la vigne que les Franks font cultiver par leurs esclaves vers le pays de Nantes (A)… Par la barbe du bon Joel ! il aurait bien ri de voir notre troupe repasser nos frontières, escortant gaiement nos grands chariots remplis de raisins vermeils ! Quel joyeux coup d’œil ! les pampres verts ornaient les jougs de nos bœufs, les brides de nos chevaux, et jusqu’aux fers de nos lances ; puis, tous en chœur nous chantions ce bardit :
« — Les Franks ne le boiront pas, ce vin de la vieille Gaule… non, les Franks ne le boiront pas !… — Nous vendangeons l’épée d’une main, la serpe de l’autre. — Nos chars de guerre sont des pressoirs roulants. — Ce n’est pas le sang qui rougit leurs essieux, c’est le jus empourpré du raisin. — Non, les Franks ne le boiront pas, ce vin de la vieille Gaule… non, les Franks ne le boiront pas !… »
— Mon père, j’aurai seize ans à la prochaine vendange au pays de Nantes… vous m’emmènerez avec vous ?
— Tais-toi, Yvon, ne fais pas de semblables vœux ; cela m’effraye, mon enfant.