— De quoi te souviens-tu ?
— De ton aïeul…
— Quel aïeul ? mes aïeux sont nombreux.
— Neroweg, l’Aigle terrible…
— Oh ! c’était un grand chef… — reprit le Frank avec un accent d’orgueil farouche, — c’était un grand roi, un des plus vaillants guerriers de ma race vaillante ! son nom est encore glorifié en Germanie !… Puisse ma honte à moi, prisonnier de votre bande d’esclaves révoltés, être enfouie au fond de ma fosse… si vous me creusez une fosse…
— Écoute : il y a de cela plus de trois siècles ; ton aïeul était chef d’une des hordes franques, rassemblées de l’autre côté du Rhin, et qui alors menaçaient la Gaule…
— Et nous l’avons conquise, cette Gaule ! elle est notre terre aujourd’hui, et vous… vous êtes nos esclaves… race bâtarde !…
— Écoute encore : mon aïeul, soldat obscur, se nommait Scanvoch.
— Par ma chevelure ! ces misérables savent les noms de leurs ancêtres ainsi que nous les savons, nous autres de race illustre ! Mirff et Morff, mes deux limiers, que cet autre bandit déguisé en ours a mis à mort, Mirff et Morff connaissent leurs ancêtres, si tu connais les tiens !
— Mon aïeul Scanvoch fut lâchement mis à la torture par l’Aigle terrible, la veille d’une grande bataille du Rhin ; le matin de ce combat, les soldats gaulois chantaient :
« Combien sont-ils ces Franks ?… combien sont-ils donc, ces barbares ? »
Le soir ils chantaient après leur victoire :
« Combien étaient-ils, ces Franks ? combien étaient-ils donc ces barbares ? … »
— Si cette fois les lâches Gaulois ont vaincu les Franks valeureux, ce fut par trahison…
— Donc, lors de cette grande bataille du Rhin, Scanvoch s’est