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— Je vous suivais de l’œil, toi et Loysik, portés par nos Vagres criant : « Place ! place à des blessés que nous venons de retirer de dessous les décombres ! » Tout en me mêlant, ainsi que trois des nôtres, à la foule éperdue, je me rapprochais peu à peu du pont ; soudain, de loin, je vois accourir le comte, seul, et portant à grand’peine, entre ses bras, plusieurs gros sacs de peau remplis sans doute d’or ou d’argent, se dirigeant vers une citerne abandonnée. Neroweg était seul, et en ce moment assez éloigné du lieu de l’incendie ; la pensée me vient de m’emparer de lui ; moi et deux des nôtres nous nous glissons en rampant derrière des arbrisseaux qui ombrageaient la citerne, au fond de laquelle le comte venait de jeter plusieurs de ses sacs, craignant sans doute qu’à travers le tumulte ils lui fussent volés, il comptait les retrouver plus tard dans cette cachette ; nous tombons trois sur lui à l’improviste, il est terrassé, je lui mets les genoux sur la poitrine et la main sur la bouche pour l’empêcher de crier à l’aide… un des nôtres se dépouille de sa casaque, en enveloppe la tête de Neroweg, les autres lui lient les mains et les pieds avec leur ceinture, après quoi nos Vagres ayant ramassé les sacs restants, nous enlevons le seigneur comte… Le pont était voisin… et voici ma capture… ma part du butin à moi…

— Elle est lourde ; aurons-nous loin encore à la porter, Karadeuk !

— On ne peut plus d’ici entendre au burg les cris du comte… débarrassez-le de la casaque qui lui enveloppe la tête.

— C’est fait.

— Comte Neroweg, tes mains resteront garrottées, mais tes jambes seront libres… Veux-tu marcher jusqu’à la lisière de la forêt ? sinon l’on t’y portera comme on t’a porté jusqu’ici !…

— Vous allez m’égorger là !

— Veux-tu nous suivre, oui ou non ?

— Marchons, bateleur maudit ! vous verrez qu’un noble frank va d’un pas ferme à la mort ! chiens gaulois, race d’esclaves !