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les hommes de Chram, pour sauver les chevaux ou les bagages de leur maître, et les retirer des écuries à demi embrasées… Les Franks, accourus à l’ergastule, étaient une vingtaine au plus ; ils furent entourés et massacrés par les Vagres de Ronan et par les esclaves, après une résistance enragée. Pas un des Franks n’échappa, non, pas un ! c’était urgent et prudent : un seul de ces conquérants de la vieille Gaule aurait pu aller, à cinq cents pas de là, avertir les leudes de ce qui se passait à la prison… Deux esclaves chargèrent Ronan sur leurs épaules, deux autres enlevèrent Loysik, et, à la demande de son évêchesse, le Veneur emporta dans ses bras vigoureux, comme on emporte un enfant au berceau, la petite Odille, trop faible pour pouvoir marcher. Le vieux Karadeuk suivait ses deux fils qu’il couvait des yeux.

Cette lutte triomphante, aux abords de l’ergastule, s’était passée en moins de temps qu’il n’en faut pour la décrire ; mais il restait fort à faire pour sortir de l’enceinte du burg. Il fallait gagner le pont, seule issue praticable à cause de Ronan, de Loysik et d’Odille, incapables de marcher. Pour atteindre le pont, on devait, après avoir pendant assez longtemps suivi le revers de l’enceinte sous les arbres de l’hippodrome, on devait traverser le terrain complètement découvert qui s’étendait en face des bâtiments en feu. Le vieux Karadeuk, sage, froid et prudent au conseil, fit faire halte à sa troupe sous les arbres où elle se trouvait alors à l’abri de tout regard ennemi, et il dit :

— Quitter le burg en bande, ce serait nous faire tuer jusqu’au dernier. Une partie des Franks, dans leur fureur, abandonnerait l’incendie pour nous exterminer ; donc, en arrivant sur le terrain découvert qu’il nous faut parcourir, séparons-nous, et jetons-nous hardiment au milieu des Franks effarés, occupés à transporter ce qu’ils peuvent arracher aux flammes… Mêlons-nous à cette foule épouvantée, paraissons aussi occupés de quelque sauvetage, allant, venant, courant, nous sortirons de ce dangereux passage, et nous gagnerons isolément le pont, notre rendez-vous général…