Gondulf courut s’armer d’un épieu, tandis que Karadeuk, tendant les mains vers Chram, s’écriait :
— Grand roi ! mon seul espoir est en toi… Je te demande merci, je me mets sous ta protection et sous celle de ta suite royale, redoutable et invincible à la guerre ! Oh ! valeureux guerriers ! aussi terribles au combat que généreux après la victoire, vous ne voudrez pas la mort de ce pauvre animal, qui, vainqueur, mais blessé dans la lutte, s’est battu sans traîtrise… Non, non, à l’exemple de votre glorieux roi, votre honneur courtois et raffiné s’indignerait d’une brutale lâcheté, même commise à l’égard d’un pauvre animal… Oh ! guerriers, non moins brillants par l’armure et la grâce militaire que foudroyants par la valeur… je me mets à merci sous la protection de votre roi… il demandera la vie de l’ours au seigneur comte, qui ne peut rien refuser à de si nobles hôtes que vous !
Le Frank est vaniteux ; son orgueil se plaît aux louanges les plus exagérées. Karadeuk le savait, il espérait aussi en s’adressant seulement à la truste royale raviver entre elle et les leudes du comte les dernières querelles à peine calmées. Ses paroles furent favorablement accueillies par les guerriers de Chram ; et celui-ci, s’approchant de Neroweg, lui dit :
— Comte, nous tous ici, tes hôtes, nous te demandons la grâce de ce courageux animal, et cela au nom de notre vieille coutume germanique, selon laquelle, tu le sais, la demande d’un hôte est toujours accordée.
— Roi, quoi qu’en dise la coutume, je vengerai la mort de Mirff et de Morff, qui à eux deux me coûtaient six sous d’or… Gondulf, des épieux, des haches, que cet ours soit mis en quartiers sur l’heure !…
— Comte, ce pauvre bateleur s’est mis à ma merci… je ne peux l’abandonner.
— Chram, que tu protèges ou non ce vieux bandit, je vengerai la mort de Mirff et de Morff…
— Écoute, Neroweg, j’ai une meute qui vaut la tienne… tu l’as