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tacle réjouissant pour eux, mais ils se croyaient de nouveau rabaissés dans la personne de leur patron.

— Chram n’est pas roi dans ce burg, dis-lui donc cela, Neroweg, — s’écria Sigefrid, l’un des provocateurs de la dispute à peine étouffée au moment de l’entrée de Karadeuk et de son ours. — Non, le roi Chram ne peut, par caprice, nous priver d’un divertissement qu’il te plaît de nous donner, Neroweg, et dont il nous plaît de jouir.

— Non, non, — ajoutèrent à haute voix les autres guerriers du comte, — nous voulons voir étrangler l’ours… Les chiens ! les chiens !… Neroweg seul ordonne ici…

— Oui, et au diable le roi ! — s’écria Sigefrid, — au diable Chram, s’il s’oppose à nos plaisirs !

— Il n’y a que des brutes campagnardes qui envoient au diable leur hôte… lorsqu’il est fils de leur roi, — reprit le Lion de Poitiers d’un air menaçant. — Sont-ce là les exemples de courtoisie que tu donnes à tes hommes ? Neroweg, je le crois en voyant ton majordome se hâter à cette heure, à peine le festin terminé, d’emporter ta vaisselle d’or et d’argent, de peur sans doute que nous la dérobions ?

— Mes fils ! mes chers fils en Christ ! allez-vous recommencer à quereller ? La paix, mes fils… au nom du ciel paix entre vous !

— Évêque, tu as raison de prêcher la paix ; mais ces braves leudes, qui me croient opposé à leur divertissement, ne m’ont pas compris ; je t’ai dit, bateleur, que je ne voulais pas te priver de ton gagne-pain.

— Grâces donc vous soient rendues, roi.

— Un instant, combien vaut ton ours ?

— Il est pour moi sans prix.

— Quel que soit son prix, je te le payerai s’il est étranglé.

Cet accommodement, accueilli par les acclamations des Franks, apaisa la nouvelle querelle près de s’engager entre eux ; mais Karadeuk, toujours à genoux, s’écria :

— Grand roi, aucun prix ne remplacerait pour moi mon ours ; de grâce renoncez à votre projet.