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frère Kervan et ma tant douce sœur Roselyk… Alors, malgré moi les larmes me sont venues aux yeux… Ô mes fils ! ô Ronan ! Loysik ! me voici près de vous… Mais comment faire pour vous sauver ! Hésus ! Hésus ! inspire-moi !…

Le veneur chevauchait toujours à califourchon sur son bâton ; encouragé par le joyeux accueil des Franks ; se souvenant de ses succès d’autrefois lors des nuits des kalendes de janvier, il se livrait à de monstrueuses gambades qui délectaient ces épais Teutons et portaient leur hilarité jusqu’à la pâmoison ; le comte surtout, les deux mains sur son ventre, riait, riait à faire crever sa belle dalmatique de drap d’argent. Soudain, sans s’interrompre de rire, il dit à Chram :

— Roi, veux-tu te divertir davantage encore ? Hi… hi…

— Achève, comte… Te voilà rouge à étouffer… tu souffles comme un bœuf…

— C’est que… mon projet… hi… hi…

— Quel projet !

— J’ai, pour chasser le loup et le sanglier, des limiers énormes et très-féroces… Nous allons enchaîner l’ours à l’un des poteaux de cette salle… hi… hi…

— Et lancer contre lui quelques-uns de tes chiens ?…

— Oui, Chram… hi… hi…

— Vive le comte Neroweg ! Si je suis fils de roi, il est, lui, le roi des idées plaisantes… vite, vite, des chiens ! plus ils seront mordants et féroces, plus le divertissement sera complet.

— Oui, oui, — crièrent les Franks avec des trépignements joyeux, — les chiens… les chiens…

— Eh ! mon veneur Gondulf ! vite, mon veneur Gondulf !…

— Seigneur comte, me voici…

— Amène ici Mirff et Morff… s’ils laissent à l’ours un lambeau de peau et de chair sur les os, je veux, hi… hi… que cette coupe de vin me serve de poison.