méchants qui te condamnent, tu ne leur accordes pas un pardon inique et imbécile ; mais libre… tu ne leur rendrais pas le mal pour le mal ! tu préférerais ton innocente vie à leur vie souillée de crimes ; mais tu saurais mourir pour ceux qui t’ont aimée !… tu ne vois pas dans la mort par le supplice je ne sais quel marché avec un Dieu tout-puissant, qui, pour quelques heures de torture que des barbares t’imposent, te donnerait une éternité de bonheur ! tu prévois la douleur parce que tu t’attends à souffrir dans ta chair ! mais l’approche du supplice ne t’inspire pas une lâche épouvante ! Non, non ; dans ta grandeur naïve tu te résignes doucement, attendant l’heure d’aller revivre auprès de ceux qui t’aimaient.
— Cette enfant a plus de raison et plus de courage que moi qui serais sa mère ! Loysik dit vrai, j’apprendrai d’elle à mourir.
— Foi de Vagre ! qu’est-ce que la mort, belle évêchesse ? changer de vêtements et de logis. Le supplice ? deux ou trois heures de souffrance, dont le terme plus ou moins rapproché est du moins certain… Sais-tu, Loysik, ce qui seulement me chagrine à cette heure ? c’est de quitter ce monde-ci, laissant notre Gaule bien-aimée… à jamais soumise aux Franks et aux évêques !
— Notre Gaule bien-aimée, à jamais soumise aux Franks et aux évêques ! non, non, frère… les siècles sont des siècles pour l’homme… ils sont à peine des heures pour l’humanité dans sa marche éternelle !… Ce monde où nous vivons nous semble grand… Qu’est-il ? roulant confondu parmi ces milliers de mondes étoilés, qui, à cette heure de la nuit, brillent à nos yeux dans l’immensité des cieux ! mondes mystérieux où nous allons successivement revivre, âme et corps, jusqu’à l’infini !… Tiens, mon frère, lors de la conquête de César, nos aïeux esclaves, enchaînés il y a des siècles dans cet ergastule où nous sommes, ont peut-être aussi dit comme toi avec désespoir : — « Notre Gaule bien-aimée est à jamais soumise à la conquête étrangère… » Et pourtant…
— Et pourtant deux siècles et demi ne s’étaient pas écoulés qu’à