ou sur la route, ou même à s’approcher cette nuit des fossés du burg, si nous donnons à ces bons Vagres le signal convenu… Ce qui s’est passé aujourd’hui, le supplice de demain, le grand nombre d’hommes de guerre rassemblés au burg ruinent tous nos projets… que faire ? Voici longtemps que tu réfléchis, mon vieux Vagre… as-tu décidé quelque chose ?
— Oui, viens…
— Au burg ? mais il fait jour encore…
— La nuit sera noire avant notre arrivée.
— Quel est ton projet ?
— Je te le dirai en route ; le temps presse ; viens, viens…
— Marchons… Ah ! j’oubliais… et la casaque ?
— Quelle casaque ?
— Celle que par semblant de bouffonnerie je dois endosser… La mesure est prudente ; le capuchon rabattu dissimulera ce qu’il y a de défectueux dans la jointure de la fourrure de mon cou à celle de ma tête, ce capuchon cachera aussi à demi ma figure d’ours, car ces Franks seront peut-être plus clairvoyants que ces deux esclaves hébêtés…
Pendant que l’amant de l’évêchesse parlait ainsi, Karadeuk avait tiré de son bissac une casaque roulée : le faux ours l’endossa ; elle traînait jusqu’aux pattes de derrière, et le capuchon, à demi rabattu sur les yeux, ne laissait voir que le museau ; les larges manches tombaient presque jusqu’au bout des pattes griffues ; la noire fourrure du corps et des cuisses, découverte par l’écartement des deux pans du vêtement, paraissait tout entière. Rien de plus grotesque que cet ours ainsi costumé ; il devait, foi de Vagre, donner fort à rire, après boire, aux hôtes du comte Neroweg.
— Laisse-moi maintenant, Karadeuk, cacher mon poignard dans un des plis de la casaque… et tiens, c’est justement ce couteau saxon qu’en fuyant des gorges d’Allange j’ai ramassé sur le champ de bataille… Vois, sur la garde de cette arme, ces deux mots gaulois gravés