fus tout d’une voix acclamé ours en Vagrerie, et… mais tu trouves peut-être que je parle beaucoup ?… Que veux-tu ? cela m’étourdit… car lorsque je reste muet et songeur… mon cœur se navre, et je deviens stupide !…
— Loysik ! Ronan ! suppliciés demain… non, non… ciel et terre ! non !…
— Quoi qu’il faille faire pour sauver tes fils, la petite Odille et l’évêchesse, je te suivrai jusqu’au bout. Donc, lorsqu’il fut convenu que tu serais le bateleur et moi l’ours, il fallut trouver un ours de belle taille, assez obligeant pour me prêter sa tête, son justaucorps et ses chausses. J’ai emporté ma hache, mon couteau, et j’ai gravi les cimes du Mont-Dore… À bon veneur, bonne chance ; presque aussitôt je rencontre un compère de ma taille ; me prenant sûrement pour un ami, il accourt à moi les bras ouverts… et la gueule aussi. Craignant de gâter son bel habit à coups de hache, je lui plante mon couteau sous l’aisselle, au bon endroit que savait trouver le roi Clotaire lorsqu’il tuait ses petits-neveux… Après quoi, j’ai soigneusement déshabillé mon obligeant ami ; son justaucorps et ses chausses semblaient, foi de Vagre, taillés pour moi ; je vous ai rejoints dans notre repaire, et nous voici redescendus dans le plat pays, déterminés à tout pour sauver tes deux fils, la petite esclave et mon évêchesse… Résumons-nous donc, car le calme me revient… Que faire ? Nous avions songé à nous introduire dans la ville de Clermont pendant la nuit qui devait précéder le jour du supplice, presque certain de soulever une partie des esclaves et du peuple ami des Vagres… À ce projet, il faut renoncer, ainsi qu’à l’idée de nous embusquer sur la route pour attaquer l’escorte qui aurait conduit les prisonniers à Clermont… C’était pour tâcher de nous renseigner sur le moment de leur départ et sur leur route, que nous devions tenter de nous introduire dans le burg, toi et moi, sous notre déguisement, tandis que dix de nos compagnons nous attendraient cachés à la lisière de la forêt ; ils y sont, prêts à se rendre avec nous à Clermont