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plus garnison en ce pays ; leurs magistrats et leurs officiers, sans troupes pour les soutenir, sont partis, et point ne sont revenus : la Bagaudie en Gaule et les Franks sur le Rhin les occupaient assez. Cette seconde Bagaudie a eu, comme la première, de bons effets, encore meilleurs dans notre province que dans les autres, car les évêques, déjà ralliés aux Romains, sont parvenus à rebâter les autres peuples de la Gaule, moins lourdement pourtant que par le passé ; quant à nous, de l’Armorique bretonne, Rome n’a pas essayé de nous remettre sous le joug. Dès lors, selon nos antiques coutumes, chaque tribu a choisi un chef, ces chefs ont nommé un chef des chefs qui gouvernait la Bretagne ; conservé s’il marchait droit, déposé s’il marchait mal. Ainsi en est-il encore aujourd’hui, ainsi en sera-t-il toujours, je l’espère, malgré le règne de ces Franks maudits ; car le dernier Breton aura vécu avant que notre Armorique soit conquise par ces barbares, ainsi que les autres provinces de la Gaule… Maintenant, dis-tu, ami porte-balle, la Bagaudie renaît contre les Franks ? tant mieux, ils ne jouiront pas du moins en paix de leur conquête, si les nouveaux bagaudes valent les anciens…

— Ils les valent, bon vieux père, ils les valent, croyez-moi, je les ai vus…

— Ces Bagaudes sont donc des troupes armées, nombreuses, déterminées ?

— Karadeuk, mon favori, ne vous échauffez pas ainsi…

— Méchant enfant, il ne songe qu’à ce qui est bataille, révolte et aventure !

Et la pauvre femme de dire tout bas à l’oreille du vieil Araïm :

— Ce colporteur avait-il besoin de parler de ces choses devant mon fils ? Hélas ! je vous l’ai dit, mon père, un mauvais sort a conduit cet homme chez nous…

— Le croyez-vous d’accord, chère Madalèn, avec les Dûs et les Korrigans ?

— Je crois, mon père, qu’un malheur menace cette maison…