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— Oui, oui, — crièrent les leudes, se réjouissant d’avance à la pensée de ce spectacle, — la double épreuve…

— Je ne redoute pas l’épreuve, moi, je la demande ! — dit Justin d’une voix ferme. — Dieu rendra témoignage de mon innocence…

— Moi aussi, je suis certain de mon innocence, — dit Pierre en tremblant, — pourtant l’épreuve m’épouvante…

— Ton compagnon, mon cher fils, te donne l’exemple d’une pieuse confiance dans la justice divine, sachant que l’Éternel ne fait condamner que des coupables…

— Hélas ! bon père, si l’épreuve tourne contre moi ?

— Mon fils, c’est que tu auras volé l’écuelle.

— Non, non… sur le salut de mon âme, je ne l’ai pas volée.

— Alors, mon fils, ne redoute rien du jugement de Dieu : sa justice est infaillible…

— Ah ! mon bon père, quelle terrible et injuste loi !

— Ne parle pas ainsi, mon cher fils ; cette loi est sainte, c’est la loi salique, loi des Franks saliens, nos nobles conquérants ; elle est placée sous l’invocation de Notre-Seigneur-Jésus-Christ… Pour t’en convaincre, écoute le préambule de cette loi au nom de laquelle on va vous soumettre à l’épreuve, accusateur et accusé ; tu reconnaîtras qu’une pareille loi doit inspirer un pieux respect lorsqu’elle est précédée d’une profession de foi si orthodoxe… Écoute bien, mon cher fils : « L’illustre nation des Franks, fondée par Dieu, forte dans la guerre, profonde au conseil, d’une noble stature, d’une blancheur et d’une beauté singulières, hardie, agile et rude au combat, s’est récemment convertie à la foi catholique qu’elle pratique pure de toute hérésie ; elle a cherché et a dicté la loi salique par l’organe des plus anciens de la nation qui la gouvernaient alors : le gast de Wiso, le gast de Bodo, le gast de Salo, le gast de Wido, habitant les lieux appelés Salo-Heim, Bodo-Heim, Wido-Heim, se réunirent pendant trois mâhls, discutèrent avec soin et adoptèrent cette loi-ci.