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tiendrai mes promesses : je réparerai la villa, je ferai bâtir la chapelle ; seulement il me faut le temps de trouver l’argent nécessaire à ces grosses dépenses, car je ne veux point, moi, pour cela, dégarnir mes coffres… Laisse-moi donc le loisir de rançonner mes colons ; puis voici bientôt le temps du grand marché aux esclaves qui se tient à Limoges, là se rendent des achetants juifs que l’on dit cousus d’or… Je m’embusquerai avec mes leudes en quelque bon endroit de passage vers la frontière du Limousin pour y attendre la venue de cette juiverie… et quand je devrais leur faire arracher les oreilles, les dents et les yeux, il faudra bien qu’ils m’ouvrent leur bourse et me fournissent ainsi de quoi bâtir la chapelle et réparer la villa épiscopale.

— L’on ne saurait, noble comte, user mieux de l’or de ces meurtriers de Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’en employant leurs richesses à l’accomplissement des œuvres pies.

— Et maintenant, clerc, allons soumettre ces deux esclaves à l’épreuve de l’eau et du feu…




Le tribunal est assemblé : le comte, sur son siège, préside ce mâhl, sept leudes l’assistent… Les esclaves porte-flambeau se tiennent debout derrière les juges ; le tribunal est vivement éclairé, le fond de la salle, où se pressent les autres leudes et guerriers du burg, reste dans une demi-obscurité, où se projettent çà et là de rouges lueurs sortant d’un grand réchaud, que le forgeron des écuries attise et souffle ; dans ce brasier sont rougissants les neuf socs de charrue ; en face du fourneau, se trouve enfoncée, au niveau du sol, la cuve immense et remplie d’eau ; au pied du tribunal, l’esclave accusé de larcin est garrotté ; il est tout jeune et regarde les juges avec effroi ; l’accusateur, homme d’un âge mûr, contemple le tribunal avec une confiante assurance. Autour de chacun de ces deux hommes sont, selon l’usage, six autres esclaves conjurateurs, choisis par l’accusa-