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aux dés avec tes leudes, violenter nos femmes, nos sœurs, nos filles, et communier chaque semaine en fin catholique, voilà ta vie… voilà la vie des Franks (A), possesseurs de ces immenses domaines dont ils nous ont dépouillés !… Oh ! comte Neroweg, qu’il fait bon d’habiter ce burg, bâti par des esclaves gaulois enlevés à leurs champs, à leur maison, à leur famille, apportant à dos d’homme, sous le bâton de tes gens de guerre, le bois des forêts, les roches de la montagne, le sable des rivières, la pierre de chaux tirée des entrailles de la terre ; après quoi, ruisselants de sueur, brisés de fatigue, mourant de faim, recevant pour pitance quelques poignées de fèves, ils se couchaient sur la terre humide, à peine abrités par un toit de branchages ; dès l’aube, les morsures des chiens réveillaient les paresseux… Oui, ces gardiens aux crocs aigus, dressés par les Franks, accompagnaient les esclaves au travail, hâtaient leur marche appesantie lorsqu’ils revenaient, courbés sous de lourds fardeaux, et si, dans son désespoir, le Gaulois tentait de fuir, aussitôt ces dogues intelligents les ramenaient au troupeau humain à grands coups de dents, de même que le chien du boucher ramène au bercail un bœuf ou un bélier récalcitrant.

Et ces esclaves ? appartenaient-ils tous à la classe des laboureurs et des artisans, rudes hommes, rompus dès l’enfance aux durs labeurs ? Non, non… parmi ces captifs, les uns, habitués à l’aisance, souvent à la richesse, avaient été, lors de la conquête franque ou des guerres civiles des fils de Clovis entre eux, enlevés de leurs maisons de ville ou des champs, eux, leurs femmes et leurs filles ; celles-ci, envoyées au logis des esclaves femelles pour les travaux féminins et les débauches du Frank ; les hommes, à la bâtisse, au labour, à la porcherie, aux ateliers ; d’autres esclaves, jadis rhéteurs, commerçants, poëtes ou trafiquants, avaient été pris sur les routes, lorsque réunis en troupe et croyant ainsi voyager plus sûrement, en ces temps de guerre, de ravage et de pillage, ils allaient d’une ville à l’autre.

Oui, l’esclavage rendait ainsi frères en misère, en douleur, en désespérance le Gaulois riche, habitué aux loisirs, et le Gaulois pauvre,