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grand bruit dans les bois, les branches des taillis se brisent sous le poitrail et sous le sabot des chevaux ; des voix s’appellent et se répondent ; enfin sort du fourré le comte Neroweg à cheval, et à la tête de plusieurs de ses leudes ; les autres, moins impétueux, ainsi que les gens de pied le suivent de loin, à travers le taillis, et vont bientôt le rejoindre. Aux cris de l’esclave, Neroweg avait cru tomber sur la troupe des Vagres ; mais il ne vit personne dans la clairière, sinon notre bon catholique qui accourait criant :

— Seigneur comte ! les Vagres impies qui ont saccagé la villa de notre saint évêque, se sont enfuis dans la forêt.

Neroweg leva sa longue épée sur la tête de l’esclave, l’abattit sanglant aux pieds de son cheval.

— Chien ! — s’écria-t-il, — tu m’as trompé… tu t’entendais avec les Vagres !…

L’esclave tomba mourant, et le vase d’or qu’il avait dérobé s’échappa de dessous ses haillons.

— À moi le vase d’or, — s’écria le comte, et montrant le calice du bout de son épée à un de ses hommes, qui le suivait à pied, ajouta : — Karl, mets cela dans ton sac…

Ces pillards avaient toujours sur leurs talons quelques porteurs de grands sacs, où ils enfouissaient le butin ; mais au moment où Karl s’apprêtait à obéir au comte, celui-ci aperçut plus loin, étincelants dans l’herbe aux rayons du soleil levant, les autres vases d’or et d’argent, emportés de la villa épiscopale. Neroweg, faisant faire alors un grand bond à son cheval, s’écria :

— À moi ces trésors… remplis ton sac, Karl… appelle Rigomerr, qu’il remplisse aussi le sien… À moi tous !…

— Non pas à toi seul… mais à nous ! — s’écrièrent les leudes qui le suivaient ; — à nous aussi ces richesses… Ne sommes-nous pas tes égaux ?…

— Égaux à la bataille… nous sommes égaux au partage du butin ; n’oublie pas ceci, Neroweg…