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fait ; — cet homme est la bonté, la loyauté mêmes, un des plus anciens, des plus fidèles amis de Victoria.

– Alors le témoignage de cet homme n’en est que plus certain.

– Quoi ! lui, Tétrik ! il aurait affirmé ce que tu racontes ?

– Il en a fait part et l’a confirmé à son secrétaire, en déplorant l’horrible dissolution des mœurs de Victorin.

– Mensonge ! Tétrik n’a que des paroles de tendresse et d’estime pour le fils de Victoria.

– Scanvoch, nous sommes tous deux Bretons ; je sers dans l’armée depuis vingt-cinq ans : demande à mes officiers si Douarnek est un menteur.

– Je te crois sincère, mais l’on t’a indignement abusé !

– Morix, le secrétaire de Tétrik, a raconté l’aventure, non pas seulement à moi, mais à bien d’autres soldats du camp, auxquels il payait à boire… Cet homme a été cru sur parole, parce que plus d’une fois, moi, comme beaucoup de mes compagnons, nous avons vu Victorin et ses amis, échauffés par le vin, se livrer à de folles prouesses.

– L’ardeur du courage n’échauffe-t-elle pas les jeunes têtes autant que le vin ?

– Écoute, Scanvoch, j’ai vu de mes yeux Victorin pousser son cheval dans le Rhin, disant qu’il voulait le traverser ; et il eût été noyé si moi et un autre soldat, nous jetant dans une barque, n’avions été le repêcher demi-ivre, tandis que le courant entraînait son cheval… un superbe cheval noir, ma foi… Sais-tu ce qu’alors Victorin nous a dit ? — « Il fallait me laisser boire, puisque ce fleuve coule du vin blanc de Béziers. » — Ce que je raconte n’est pas un conte, Scanvoch ; je l’ai vu de mes yeux, je l’ai entendu de mes oreilles.

À cela, malgré mon attachement pour Victorin, je ne pus rien répondre : je le savais incapable d’une lâcheté, d’une infamie ; mais aussi je le savais capable de dangereuses étourderies.