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parler par la bouche de tes blessures, selon notre vieux proverbe gaulois.

– Moi, je me bats en soldat ; Victorin se bat en capitaine… Et ce capitaine de vingt-deux ans n’a-t-il pas déjà gagné cinq grandes batailles contre les Germains et les Franks ?

– Sa mère, notre Victoria, la bien nommée, a dû, par ses conseils, aider à la victoire, car il confère avec elle de ses plans de combat… mais, enfin, c’est vrai, Victorin est bon capitaine.

– Et sa bourse, tant qu’elle est pleine, n’est-elle pas ouverte à tous ? Connais-tu un invalide qui se soit en vain adressé à lui ?

– Victorin est généreux… c’est encore vrai…

– N’est-il pas l’ami, le camarade du soldat ? Est-il fier ?

– Non, il est bon compagnon et de joyeuse humeur ; d’ailleurs, pourquoi serait-il fier ? Son père, sa victorieuse mère et lui ne sont-ils pas, comme nous autres, gens de plèbe gauloise ?

– Ne sais-tu pas, Douarnek, que souvent les plus fiers sont ceux-là qui sont partis de plus bas ?

– Victorin n’est point orgueilleux, c’est dit.

– À la guerre, ne dort-il pas sans abri, la tête sur la selle de son cheval, ainsi que nous autres cavaliers ?

– Élevé par une mère aussi virile que la sienne, il devait devenir un rude soldat, il l’est devenu.

– Ignores-tu qu’il montre dans le conseil une maturité que beaucoup d’hommes de notre âge ne possèdent point ? N’est-ce pas, enfin, sa bravoure, sa bonté, sa raison, ses rares qualités de soldat et de capitaine, qui l’ont fait acclamer par l’armée général et l’un des deux chefs de la Gaule ?

– Oui, mais en le choisissant, nous savions, nous autres, que sa mère Victoria, la belle et la grande, serait toujours près de lui, le guidant, l’éclairant, tout en cousant ses toiles de lingerie, la digne matrone, à côté du berceau de son petit-fils, selon son habitude de bonne ménagère.