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– Qui ne connaît dans l’armée le frère de lait de la mère des camps ?

– Simple cavalier, je me croyais plus obscur.

– Tu es resté simple cavalier malgré l’amitié de notre Victoria pour toi ; voilà pourquoi, Scanvoch, chacun te connaît et chacun t’aime.

– Vrai, tu me rends heureux en me disant cela. Comment te nommes-tu ?

– Douarnek.

– Tu es Breton ?

– Des environs de Vannes.

– Ma famille aussi est originaire de ce pays.

– Je m’en doutais, car l’on t’a donné un nom breton. Eh bien, ce bardit, peut-on le chanter, ami Scanvoch ? Notre officier nous a donné l’ordre de t’obéir comme à lui ; j’ignore où tu nous conduis, mais un chant s’entend de loin, surtout lorsqu’il s’agit d’un bardit national entonné en chœur par de vigoureux garçons à larges poitrines… Ou peut-être ne faut-il pas attirer l’attention sur notre barque ?

– Maintenant, tu peux chanter… Plus tard… non.

– Alors, qu’allons-nous chanter, enfants ? — dit le vétéran en continuant de ramer, ainsi que ses compagnons, et tournant seulement la tête de leur côté ; car, placé au premier banc, il me faisait face. — Voyons… choisissez…

– Le bardit des Marins, dit un des soldats.

– C’est bien long, mes enfants, — reprit Douarnek.

– Le bardit du Chef des cent vallées ?

– C’est bien beau, — reprit Douarnek ; — mais c’est un chant d’esclaves attendant leur délivrance, et par les os de nos pères !… nous sommes libres aujourd’hui dans la vieille Gaule !

— Ami Douarnek, — lui dis-je, — c’est au refrain de ce chant d’esclaves :