Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Souvent je m’étais demandé pourquoi Sampso, plus âgée d’un an qu’Ellèn, et aussi belle, aussi vertueuse qu’elle, avait jusqu’alors repoussé plusieurs offres de mariage ; parfois je supposais qu’elle ressentait quelque amour caché, d’autres fois qu’elle appartenait à une de ces affiliations chrétiennes qui commençaient à se répandre, et dans lesquelles les femmes faisaient vœu de chasteté comme plusieurs de nos druidesses. Un moment aussi je me demandai la cause de la réticence de Sampso au sujet de Victorin ; puis, j’oubliai ces pensées pour ne songer qu’à l’expédition dont j’étais chargé. M’acheminant vers les avant-postes du camp, je m’adressai à un officier, à qui je fis lire quelques lignes écrites de la main de Victorin. Aussitôt l’officier mit à ma disposition quatre soldats d’élite, excellents rameurs choisis parmi ceux qui avaient l’habitude de manœuvrer les barques de la flottille militaire destinée à remonter ou à descendre le Rhin pour défendre au besoin notre camp fortifié. Ces quatre soldats, sur ma recommandation, ne prirent pas d’armes ; moi seul étais armé. En passant devant un bouquet de chênes, je leur fis couper quelques branchages, destinés à être placés à la proue du bateau qui devait nous transporter. Nous arrivons bientôt sur la rive du fleuve ; là étaient amarrées plusieurs barques réservées au service de l’armée. Pendant que deux des soldats placent à l’avant de l’embarcation les feuillages de chêne dont je les avais munis, les deux autres examinent les rames d’un air exercé, afin de s’assurer qu’elles sont en bon état ; je me mets au gouvernail, nous quittons le bord.

Les quatre soldats avaient ramé en silence pendant quelque temps, lorsque le plus âgé des quatre, vétéran à moustaches grises, me dit :

– Il n’y a rien de tel qu’un bardit gaulois pour faire passer le temps et manœuvrer les rames en cadence ; on dirait qu’un vieux refrain national répété en chœur rend les avirons moins pesants. Peut-on chanter, ami Scanvoch ?

— Tu me connais ?