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– Est-ce ma faute si le dérèglement des mœurs est à mes yeux méprisable… honteux ?

– Certes, vous avez raison ; cependant je ne peux m’empêcher d’avoir un peu d’indulgence pour quelques faiblesses de Victorin. Veuf à vingt ans, ne faut-il pas l’excuser s’il cède parfois à l’entraînement de son âge ? Tenez, chère et impitoyable Sampso, je vous ai fait lire les récits de notre aïeule Geneviève ; vous êtes douce et bonne comme Jésus de Nazareth, imitez donc sa miséricorde envers les pécheurs. Il a pardonné à Madeleine parce qu’elle avait beaucoup aimé ; pardonnez, au nom du même sentiment, à Victorin !

– Rien de plus digne de pardon et de pitié que l’amour, lorsqu’il est sincère ; mais la débauche n’a rien de commun avec l’amour… C’est comme si vous me disiez, Scanvoch, qu’il y a quelque comparaison à faire entre ma sœur ou moi… et ces bohémiennes hongroises arrivées depuis peu à Mayence…

– Pour la beauté on pourrait vous les comparer, ainsi qu’à Ellèn, car on les dit belles à ravir d’admiration… Mais là s’arrête la comparaison, Sampso… J’ai peu de confiance dans la vertu de ces vagabondes, si charmantes, si parées qu’elles soient, qui vont de ville en ville chanter et danser pour divertir le public… lorsqu’elles ne font pas un pire métier…

– Et pourtant, je n’en doute pas, un jour ou l’autre, vous verrez Victorin, lui un général d’armée ! lui un des deux chefs de la Gaule ! accompagner à cheval le chariot où ces bohémiennes vont se promener chaque soir sur les bords du Rhin… Et si je m’indigne de ce que le fils de Victoria a servi d’escorte à de pareilles créatures, alors vous me répondrez sans doute : — Pardonnez à ce pécheur, de même que Jésus a pardonné à Madeleine, la pécheresse… — Allez, Scanvoch, l’homme qui se complaît dans d’indignes amours est capable de…

Mais Sampso s’interrompit.

– Achevez, — lui dis-je, — achevez, je vous prie…

– Non, — dit-elle après un moment de réflexion, — le temps