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aimable, un plus généreux naturel. Il grandit ainsi au milieu des soldats, qui s’attachèrent à lui par les mille liens de l’habitude et de l’affection. À quatorze ans, il fit ses premières armes contre les Franks, devenus pour nous d’aussi dangereux ennemis que l’avaient été les Romains… Je l’accompagnai : sa mère, à cheval, entourée d’officiers, resta, en vraie Gauloise, sur une colline d’où l’on découvrait le champ de bataille où combattait son fils… Il se comporta bravement et fut blessé. Ainsi habitué jeune à la vie de guerre, de grands talents militaires se développèrent en lui : intrépide comme le plus brave des soldats, habile et prudent comme un vieux capitaine, généreux autant que sa bourse le lui permettait, gai, ouvert, avenant à tous, il gagna de plus en plus l’attachement de l’armée (B), qui partagea bientôt son adoration entre lui et sa mère… Vint enfin le jour où la Gaule, déjà presque indépendante, voulut partager avec Rome le gouvernement de notre pays ; le pouvoir fut alors divisé entre un chef gaulois et un chef romain : Rome choisit Posthumus, et nos troupes acclamèrent d’une voix Victorin comme chef de Gaule et général de l’armée. Peu de temps après, il épousa une jeune fille dont il était aimé… Malheureusement elle mourut après une année de mariage, lui laissant un fils. Victoria, devenue aïeule, se voua à l’enfant de son fils comme elle s’était vouée à celui-ci.

Ma première résolution avait été de ne jamais me marier ; cependant je fus à peu séduit par la grâce modeste et par les vertus de la fille d’un centenier de notre armée ; c’était ta mère Ellèn que j’ai épousée il y a cinq ans, mon enfant.

Telle a été ma vie jusqu’à aujourd’hui, où je commence le récit qui va suivre… certaines réflexions de Victoria me l’ont fait écrire autant pour toi que pour notre descendance ; car si les prévisions de ma sœur de lait, à propos de divers incidents de cette histoire, se réalisent, ceux des nôtres qui, dans les siècles, peut-être, liront ceci, reconnaîtront que Victoria, la mère des camps, avait, comme notre aïeule Hêna, la vierge de l’île de Sên, et Velléda, la