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en manteau brun, qui passe si vite en détournant la tête comme s’il ne voulait pas être reconnu ? je l’ai souvent vu aux prêches du Nazaréen… si on le forçait de porter la croix ?

— Oui, — dit Baruch, — appelez-le…

— Eh ! Simon ! — cria l’émissaire, — eh ! Simon, le Cyrénéen ! vous qui preniez votre part des prédications du Nazaréen, venez donc à cette heure prendre part du fardeau qu’il porte[1]

À peine cet homme eut-il appelé Simon, que beaucoup de gens parmi la foule crièrent comme lui :

— Eh ! Simon… Simon !…

Celui-ci, au premier appel de l’émissaire, avait hâté sa marche, comme s’il n’eût rien entendu ; mais lorsqu’un grand nombre de voix crièrent son nom, il revint sur ses pas, se dirigea vers l’endroit où se tenait Jésus, et s’approcha d’un air troublé.

— On va crucifier Jésus de Nazareth, de qui tu aimais tant à écouter la parole, — lui dit le banquier Jonas en raillant ; — c’est ton ami, ne l’aideras-tu pas à porter sa croix ?

— Je la porterai seul, — répondit le Cyrénéen, ayant le courage de jeter un coup d’œil de pitié sur le jeune maître, qui toujours agenouillé, semblait prêt à défaillir.

Simon, s’étant chargé de la croix, marcha devant Jésus, et le cortège poursuivit sa route.

À cent pas plus loin, au commencement de la rue qui conduit à la porte Judiciaire, en passant devant une boutique de marchand d’étoffes de laine, Geneviève vit sortir de cette boutique une femme, d’une figure vénérable… Cette femme, à la vue de Jésus, pâle, affaibli, sanglant, ne put retenir ses larmes ; seulement alors, l’esclave, qui jusqu’alors avait oublié qu’elle pouvait être recherchée par les ordres du seigneur Grémion, son maître, se souvint de l’adresse que sa maîtresse Aurélie lui avait donnée de la part de Jeane, lui disant

  1. Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVII, V. 32.