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fort, tu faisais l’audacieux… à la tête de ta bande de gueux, de scélérats et de prostituées que tu recrutais dans les tavernes, où tu passais tes jours et tes nuits ! Où sont-ils à cette heure tes partisans ? Appelle-les donc ! qu’ils viennent te délivrer !

La foule n’avait pas la haine aussi patiente que les pharisiens, qui se plaisaient à torturer lentement leur victime ; aussi l’on entendit bientôt crier avec fureur :

— À mort… le Nazaréen ! à mort !

— Hâtons-nous !… Est-ce qu’on voudrait lui faire grâce en retardant ainsi son supplice ?

— Il n’expirera pas tout de suite… on aura encore le temps de lui parler lorsqu’il sera cloué sur la croix.

— Oui, hâtons-nous !… sa bande de scélérats, un moment effrayée, pourrait tenter de venir l’enlever….…..

— À quoi bon d’ailleurs lui adresser la parole ? on voit bien qu’il ne veut pas répondre.

— À mort ! à mort !

— Et il faut qu’il porte lui-même sa croix jusqu’au lieu du supplice…

La proposition de cette nouvelle barbarie fut accueillie par les applaudissements de tous. On fit sortir Jésus de la cour du prétoire, et l’on plaça la croix sur l’une de ses épaules saignantes… La douleur fut si aiguë, le poids de la croix si lourd, que le malheureux fléchit d’abord les genoux et faillit tomber à terre ; mais trouvant de nouvelles forces dans son courage et sa résignation, il parut se raidir contre la souffrance, et, courbé sous le fardeau, il commença de cheminer péniblement. La foule et l’escorte de soldats romains criaient en le suivant :

— Place ! place au triomphe du roi des Juifs !…

Le triste cortège se mit en marche pour le lieu du supplice, situé en dehors de la porte Judiciaire, quitta le riche quartier du Temple, et poursuivit sa route à travers une partie de la ville beaucoup moins