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— Une croix toute neuve et digne d’un roi !

— Et comme roi… le Nazaréen ne dira pas qu’on le traite en mendiant…

Lorsque les Romains entendirent annoncer qu’on apportait la croix, ils parurent contrariés de ce que leur victime allait leur échapper. Jésus, au contraire, à ces mots : — Voici la croix !… voici la croix ! — se leva avec une sorte d’allégement, espérant sans doute sortir bientôt de ce monde-ci… Des soldats lui débandèrent les yeux, lui ôtèrent le manteau rouge, lui laissant seulement la couronne d’épines sur la tête ; de sorte qu’il resta demi-nu ; on le conduisit ainsi jusqu’à la porte du prétoire, où se tenaient les hommes qui venaient d’apporter la croix.

Le docteur Baruch, le banquier Jonas et le prince des prêtres, Caïphe, dans leur haine toujours inassouvie, échangeaient des regards triomphants, en se montrant le jeune maître de Nazareth, pâle, sanglant et dont les forces semblaient être à bout. Ces pharisiens impitoyables ne purent résister au cruel plaisir d’outrager encore la victime, le banquier Jonas lui dit :

— Tu vois, audacieux insolent, à quoi mènent les injures contre les riches ; tu ne les railles plus à cette heure ? tu ne les compares plus à des chameaux incapables de passer par le trou d’une aiguille ! C’est grand dommage que l’envie de plaisanter te soit passée !

— Es-tu satisfait, à cette heure, — ajouta le docteur Baruch, — d’avoir traité les docteurs de la loi de fourbes et d’hypocrites, aimant à avoir la première place aux festins ?… Ils ne te disputeront pas du moins ta place sur la croix.

— Et les prêtres ! — ajouta le seigneur Caïphe, — c’étaient aussi des fourbes qui dévoraient les maisons des veuves, sous prétexte de longues prières… des hommes endurcis, moins pitoyables que les païens samaritains… des stupides à l’esprit assez étroit pour observer pieusement le sabbat… des orgueilleux qui faisaient devant eux sonner les trompettes pour annoncer leurs aumônes !… Tu te croyais bien