— C’est un tigre honteux qui se revêt d’une peau d’agneau…
À ces paroles insensées, Jésus se contenta de sourire tristement en secouant la tête ; ce mouvement fit pleuvoir autour de lui une rosée de sang, car les blessures faites à son front par les épines saignaient toujours…
À la vue du sang de ce juste, Geneviève ne put s’empêcher de murmurer tout bas le refrain du chant des Enfants du Gui cité dans les écrits des aïeux de son mari :
« Coule, coule, sang du captif ! — Tombe, tombe, rosée sanglante ! — Germe, grandis, moisson vengeresse !… »
— Oh ! — se disait Geneviève, — le sang de cet innocent, de ce martyr, si indignement abandonné par ses amis, par ce peuple de pauvres et d’opprimés qu’il chérissait… ce sang retombera sur eux et sur leurs enfants… Mais qu’il féconde aussi la sanglante moisson de la vengeance !
Les Romains, exaspérés par la céleste patience de Jésus, ne savaient qu’imaginer pour la vaincre… Les injures, les menaces ne pouvant l’ébranler, un des soldats lui arracha des mains le cep de vigne qu’il continuait de tenir machinalement et le lui brisa sur la tête[1], en s’écriant :
— Tu donneras peut-être signe de vie, statue de chair et d’os !
Mais Jésus ayant d’abord courbé sous le coup sa tête endolorie, la releva en jetant un regard de pardon, sur celui qui venait de le frapper.
Sans doute cette ineffable douceur intimida ou embarrassa ces barbares, car l’un d’eux, détachant son écharpe, banda les yeux du jeune maître de Nazareth[2] en lui disant :
— Ô grand roi ! tes respectueux sujets ne sont pas dignes de supporter tes regards !
Lorsque Jésus eut ainsi les yeux bandés, une idée d’une lâcheté