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— Maintenant, prends ton sceptre, ô grand roi ! — ajouta un autre soldat en s’agenouillant devant le jeune maître et lui mettant dans la main le cep de vigne du centurion ; puis tous, avec de grands éclats de rire, répétèrent :

— Salut, ô roi des Juifs, salut !

Un grand nombre d’entre eux s’agenouillèrent même devant lui par dérision en répétant : 


— Salut ! ô grand roi !

Jésus garda dans sa main ce sceptre dérisoire et ne prononça pas un mot ; cette résignation inaltérable, cette douceur angélique frappèrent tellement les Romains, qu’ils restèrent d’abord stupéfaits ; puis, leur colère s’exaltant en raison de la patience du jeune maître de Nazareth, ils s’irritèrent à l’envi, s’écriant :

— Ce n’est pas un homme, c’est une statue.

— Tout le sang qu’il avait dans les veines est sorti sous les baguettes du bourreau.

— Le lâche ! il n’ose pas seulement se plaindre.

— Lâche ? — dit un vétéran, d’un air pensif, après avoir longtemps contemplé Jésus, quoiqu’il eût été d’abord l’un de ses tourmenteurs acharnés. — Non, celui-là n’est pas un lâche ! non, pour endurer patiemment tout ce que nous lui faisons souffrir, il faut plus de courage que pour se jeter, tête baissée, l’épée à la main, sur l’ennemi… Non, — répéta-t-il en se retirant à l’écart, — non, cet homme-là n’est pas un lâche !

Et Geneviève crut voir une larme tomber sur les moustaches grises du vieux soldat.

Mais les autres Romains se moquèrent de l’attendrissement de leur compagnon, et s’écrièrent :

— Il ne voit pas que ce Nazaréen feint la résignation pour nous apitoyer.

— C’est vrai ! il est au dedans rage et haine, tandis qu’au dehors il se montre bénin et pâtissant.