forts et les vaillants, Nazaréen maudit ? ils iraient, selon toi, depuis l’aube jusqu’à la nuit, labourer la terre ou tisser la toile comme de lâches esclaves, au lieu de partager leur temps entre la bataille, la paresse, la taverne et l’amour ?
— Toi, qui te fais appeler le fils de Dieu, — dit un de ces Romains en menaçant du poing le jeune maître, — tu es donc le fils du dieu la Peur, lâche que tu es !
— Toi, qui te fais appeler le roi des Juifs, tu veux donc être acclamé le roi de tous les poltrons de l’univers ?
— Camarades ! — s’écria l’un des soldats en éclatant de rire, — puisqu’il est roi des poltrons, il faut le couronner.
Cette proposition fut accueillie avec une joie insultante, plusieurs voix s’écrièrent aussitôt :
— Oui, oui, puisqu’il est roi, il faut le revêtir de la pourpre impériale.
— Il faut lui mettre le sceptre à la main, alors nous le glorifierons, nous l’honorerons à l’instar de notre auguste empereur Tibère.
Et pendant que leurs compagnons continuaient d’entourer et d’injurier le jeune maître de Nazareth, insouciant de ces outrages, plusieurs soldats s’éloignèrent ; l’un alla prendre le manteau rouge d’un cavalier, l’autre la canne d’un centurion, un troisième, avisant dans un coin de la cour un tas de broussailles destinées à être broyées, y choisit quelques brins d’une plante épineuse, et se mit à en tresser une couronne. Alors plusieurs voix s’écrièrent :
— Maintenant, il faut procéder au couronnement du roi des Juifs.
— Oui, couronnons le roi des lâches !
— Le fils de Dieu !
— Le fils du dieu la Peur !
— Compagnons, il faut que ce couronnement se fasse avec pompe, comme s’il s’agissait d’un vrai César.
— Moi, je suis le porte-couronne.