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derrière eux, comme en Gaule, le massacre, la spoliation et l’esclavage.

Dès que ces Romains eurent entendu le nom de Jésus de Nazareth, et qu’ils le virent amené par l’un de leurs officiers dans la cour du prétoire, tous abandonnèrent leurs jeux et accoururent autour de lui.

Geneviève pressentit, en remarquant l’air railleur et endurci de cette soldatesque, que le fils de Marie allait subir de nouveaux outrages. L’esclave se souvint d’avoir lu dans les récits laissés par les aïeux de son mari, Fergan, les horreurs commises par les soldats de César, le fléau des Gaules, elle ne doutait pas que ceux-là dont le jeune maître était entouré ne fussent aussi cruels que ceux des temps passés.

Il y avait au milieu de la cour du prétoire un banc de pierre où ces Romains firent d’abord asseoir Jésus, toujours garrotté ; puis, s’approchant de lui, ils commencèrent à le railler et à l’injurier :

— Le voilà donc, ce fameux prophète ! — dit l’un d’eux. — Le voilà donc, celui qui annonce que le temps viendra où l’épée se changera en serpe, et où il n’y aura plus de guerre ! plus de bataille !

— Plus de guerre ! Par le vaillant dieu Mars, plus de guerre ! — s’écrièrent d’autres soldats avec indignation. — Ah ! ce sont là tes prophéties, prophète de malheur !

— Plus de guerre ! c’est-à-dire plus de clairons, plus d’enseignes flottantes, plus de brillantes cuirasses, plus de casques à aigrettes, qui attirent les regards des femmes !

— Plus de guerre ! c’est-à-dire plus de conquêtes !

— Quoi ! ne pouvoir plus essuyer nos bottines ferrées sur la tête des peuples conquis !

— Ne plus boire leur vin en courtisant leurs filles comme ici, comme en Gaule, comme dans la Grande-Bretagne, comme en Espagne, comme dans tout l’univers, enfin !

— Plus de guerre ! Par Hercule ! et que deviendraient donc les