Ponce-Pilate, singulier mélange de lâche faiblesse et d’équité, voulant sans doute tenter un dernier effort pour sauver Jésus, qu’il ne trouvait pas coupable, dit à la foule qu’il était d’usage pour la fête de ce jour de donner la liberté à un criminel, et que le peuple avait à choisir pour cet acte de clémence entre un prisonnier, nommé Barrabas, et Jésus, qui avait été déjà battu de verges, puis il ajouta :
« — Lequel des deux voulez-vous que je délivre ? Jésus, ou Barrabas[1] ? »
Geneviève vit les émissaires des pharisiens courir dans la foule de groupe en groupe, et disant :
— Demandons la liberté de Barrabas… que l’on délivre Barrabas.
Et bientôt la foule cria de toutes parts :
— Délivrez Barrabas et gardez Jésus !…
— Mais, — reprit Ponce-Pilate, — que ferai-je de Jésus ?
— Crucifiez-le !… — répondirent les mille voix de la foule, — crucifiez-le !…
— Mais, — reprit encore Ponce-Pilate, — quel mal a-t-il fait ?
— Crucifiez-le !… — reprit la foule de plus en plus furieuse. — Crucifiez-le !… Mort au Nazaréen !…
Ponce-Pilate, n’ayant pas le courage de défendre Jésus, qu’il trouvait innocent, fit signe à l’un de ses serviteurs : celui-ci rentra dans la maison du gouverneur, pendant que la foule criait avec une furie croissante :
— Crucifiez le Nazaréen !… crucifiez-le !…
Jésus, toujours calme, triste, pensif, semblait étranger à ce qui se passait autour de lui.
— Sans doute, — se dit Geneviève, — il songe déjà aux mondes mystérieux, où l’on va renaître et revivre en quittant ce monde-ci.
Le serviteur de Ponce-Pilate revint, tenant un vase d’argent d’une main et de l’autre un bassin ; un second serviteur prit ce bassin, et,
- ↑ « Mais les princes des prêtres et les sénateurs persuadèrent au peuple de demander Barrabas et de faire mourir Jésus. » (Évangile selon saint Matthieu, ch. XXVIII, v. 20.)